Asdel a écrit:On ne spolié pas le nouveau thème !
Mais tu t'en charges Delalaine?
En fait, c'est un sujet que je ne maitrise pas du tout ! J'aurais du maitre une émoticône de panique.
Asdel a écrit:On ne spolié pas le nouveau thème !
Mais tu t'en charges Delalaine?
Delalaine a écrit:Asdel a écrit:Après les jeux en Corée du Sud ça me semble être une bonne idée ^^.
Tu veux e-sport en Corée ? Les compétitions de RTS ? Ou autre chose ?
Asdel a écrit:Je pensais aux jeux olympiques, les courses, de manière générale :P Mais je te sens bien parti pour nous inventer quelque chose ;)
Foenidis a écrit:Ryumetsuki - Le regard du dragon
Province de Shinano - 1564
Talonné par un mauvais pressentiment, l'homme pressait le pas sans prêter attention aux babillages du vent dans les frondaisons. Tombé jour de marché, il avait croisé trop de monde dans la ville voisine, et craignait, malgré son chapeau porté bas, que la particularité qui avait participé à sa renommée ait été remarquée. Tel un écho de mauvais augure, le terrain vibra sous ses talons ; à peine le temps de pester en son for intérieur que le galop d'un cheval le rattrapa avant de le dépasser. L'étalon torturé par le mors se raidit dans un freinage brutal ; après avoir posé pied à terre, son cavalier le laissa trotter jusqu'à l'orée du bois tout proche sans plus s'en soucier. Comme soudain gonflée d'entrain, la brise forcit, échevelant le vert tendre des rizières, sifflant aux oreilles des curieux redressés, et animant de claquements d'oriflammes les tenues des deux hommes figés sur le chemin, se faisant face à une douzaine de pas l'un de l'autre. Le plus jeune faisait offrande de sa lame aux éclats solaires tandis que l'autre espérait encore ne pas sortir son katana. Il n'avait pas déserté les champs de bataille pour devoir verser le sang à chaque détour de chemin ! Las, quand lui marchait, la rumeur courait, volait, le précédait. Ryumetsuki restait le champion à battre pour les uns, un démon à abattre pour les autres. "Ryumetsuki", ce nom qu'il avait si longtemps porté comme l'étendard de sa valeur faisait dorénavant peser sur ses épaules le poids de la fatalité. Qu'il ait été destiné à cette vie dès sa naissance ou que la certitude de l'avoir été l'y ait porté importait peu… il en avait assez. Assez de sang, assez de morts, naissance de remords ; révélation subite après avoir dû tuer l'ami engagé dans les rangs ennemis. Il avait pris la route en espérant laisser la grande furie derrière lui, trouver au nord, peut-être, un lopin oublié par les seigneurs en guerre, la douceur d'une femme pour consoler ses nuits. Force était de constater que ses efforts pour se fondre dans l'anonymat de la populace restaient vains. Les dieux n'apprécient pas qu'on leur rende leur offrande ! Qu'importe l'humilité du costume, sa stature, sa démarche restaient celles d'un samouraï dans la force de l'âge et le fourreau laqué du sabre à son côté confirmait ce statut. Cette arme et la ferveur investie dans l'art de la manier faisaient si intimement partie de sa vie qu'il lui était impossible de s'en séparer. Son regard maudit filtra entre les jours tressés dans les fibres d'hinoki de son kasa. Il sut à la posture du fat dressé tel un cerf en mal de harde que celui-ci ne s'était pas déplacé juste pour faire prendre l'air à son haori frappé du mon de la maison Hineno. Qu'il se soit trompé sur l'identité du ronin pourchassé importait sans doute peu aux yeux de ce guerrier, il tuerait simplement pour justifier son rang au sein de son clan. En ces âges barbares noyés de fureur, la voie du sang séduisait bien des sabreurs.
Katsuomaru, le bien nommé comme il aimait le préciser, brûlait d'impatience. Face à un adversaire de valeur, il le savait, paraître maître de soi garantissait le premier pas vers la victoire, aussi recentra-t-il sa respiration sur son tanden, centre de l'équilibre et source du ki. Ne pas concéder le plus petit tremblement au reflet du soleil matinal sur sa lame adressait à l'œil averti une belle preuve de sa maîtrise. Hormis le jeu du vent, les couleurs terre et poussière de la tenue usagée du ronin immobilisé plus loin ne trémulaient pas non plus d'un poil. Ses mains étaient restées telles qu'elles étaient quand il l'avait dépassé, le pouce de la gauche glissé dans son obi et la droite sur le bâton du baluchon jeté sur son épaule. Son katana à la tsuka lacée d'un ito d'un vert profond dormait dans son fourreau, bien calé dans la ceinture, tranchant vers le bas – signe d'intentions pacifiques. L'inconnu n'avait pas relevé la tête, impossible de juger de la couleur de ses yeux tapis dans l'ombre de leur écran végétal ; la perspective de violer son secret n'en était que plus excitante ! D'après le soldat accouru pour l'en informer, son épouse auprès de qui le ronin avait acheté un sac de riz aurait bien été frappée par un éclair vert. Il y avait donc toutes les chances pour que ce coureur de chemins tienne ses promesses ; mais qui qu'il soit, pour peu que comme d'autres il se laisse abuser par sa forte carrure, son sort serait vite réglé ! L'expérience n'est pas toujours bonne conseillère, ce ne serait pas le premier renard à se laisser prendre au piège. Aux audacieux la victoire, songea-t-il, tandis que son rêve de gloire parait sa mine d'un sourire jubilatoire.
En diapason avec le temps, le vent retint son souffle. À contrepied de cette petite mort, l'air emmiellé du parfum des narcisses exhalait la vie avec force.
Ryumetsuki n'avait pas esquissé le moindre geste et ne comptait pas le faire, tout du moins tant qu'il n'y avait pas nécessité. Si l'impudent persistait malgré tout et finissait pas monter à l'assaut, celui-ci mourrait, ainsi en avait-il décidé. Aussi jouissif que ce fût, se contenter d'humilier ne menait à rien, le retour de la menace létale associée à son nom devrait aider à décourager les plus avisés. Tuer à nouveau ne l'enchantait guère, mais si tel était le prix à payer pour la liberté, il en serait ainsi. Il avait déjà jaugé l'adversaire : de belle taille, le provocateur respirait la puissance ; le ronin savait que quel que soit son niveau technique, le coût de ce pari se payait en vitesse. Il réprima une mimique d'agacement, l'autre s'était décidé. Trois pas. De la main gauche, Ryumetsuki fit pivoter d'un geste sec le fourreau à sa ceinture pour faire passer la courbure du tranchant vers le haut. Bien entendu, l'avertissement ne fut pas pris en compte… Trois pas de plus ! Bâton et baluchon glissèrent à terre. Parvenu à mi-distance, toujours calme et paré d'un sourire calculé, le guerrier au mon d'Hineno s'immobilisa pour empoigner son sabre à deux mains et le pointer devant lui en garde basse. Ryumetsuki fit claquer l'habaki de son katana dégagé d'un coup du pouce sur la tsuba. Aucune autre partie de son anatomie n'avait ne serait-ce que frémi, indice implicite sur son niveau de force et manière de signifier qu'il offrait une dernière chance d'en rester là.
Impossible de lire le regard de l'inconnu, mais cela ne gênait pas Katsuomaru outre mesure. La fermeté de la posture, les gestes minimalistes mais rapides, précis, tout en cet homme respirait force et technique de haut niveau. La détermination fourmillait dans tout son être, les katas mille fois répétés coulaient en rivière dans son esprit, son ki flambait dans une apogée de feu. À nouveau figé, il attendait que sa garde basse fasse son petit effet. Le ronin n'avait toujours pas dégainé, manœuvre d'intimidation qui pourrait lui coûter cher. Il jugeait sans aucun doute que la distance entre eux ajoutée au sabre en position défensive lui donneraient l'avantage. Le samouraï vêtu aux couleurs ciel d'orage résista à la tentation de sourire plus largement.
Silence. Vide essentiel. Essence de vie inspirée.
Comme piqué d'impatience, le vent se releva, anima au passage le kasa impavide du ronin, ébouriffant la houppe à la coupe soignée haut perchée sur le chef du guerrier d'Hineno.
Un souffle, cri d'air déchiré. Un éclair d'acier à la verticale, effrayant point culminant de la charge sauvage du samouraï. Geste plus vif que la pensée. Son sec du choc de deux volontés. Défense repoussée côté gauche. L'œil vif, Katsuomaru lut l'ouverture. Tranché, le vent siffla d'excitation, la lame fila sur la droite. Bloquée. Cette fois, le samouraï ne cacha pas son plaisir. Contré, certes, mais objectif atteint. La lanière du chapeau conique avait sauté sous le fil de son katana, une rafale complice venait de le faire voltiger du côté des rizières, et là, face à lui, deux prunelles d'un vert de braise le fixaient.
Ryumetsuki bouillait de s'être laissé berner. Le colosse avait bien failli le prendre de vitesse ! Jamais il n'avait vu pareil gabarit se mouvoir avec tant de vivacité. Et cela sans perte de puissance… sa parade à gauche avait plié sous l'impact, sa pommette ouverte l'attestait. Depuis quand n'avait-il pas subi la morsure d'un sabre ? Le premier sang était pour le jeune fat, cuisante constatation. Non seulement l'importun était indemne, mais son sourire suffisant attisait la piqûre infligée à l'orgueil. Le ronin se dégagea en souplesse et recula à longueur de lames, inutile de s'épuiser à rivaliser sur le plan de la force pure. Le membre du clan local se redressa pour retrouver ses appuis de garde dans le plus grand des calmes, mais Ryumetsuki voyait dans ses yeux le mélange de curiosité et de perplexité inquiète qu'il connaissait si bien. « Pareille étrangeté ne pouvait être que l'œuvre d'un démon ! »voilà ce qu'ils pensaient tous, en dépit du nom donné par son père pour que ces iris verts évoquent la protection beaucoup plus flatteuse d'un dragon. Sa carrière de tueur ne lui avait pas plus apporté le respect escompté, bien au contraire, la rumeur démoniaque n'avait cessé d'enfler.
Pas de côté. Comme deux fauves se jaugent, les combattants glissaient, flottaient plus qu'ils ne marchaient dans leur ronde martiale, animale.
La brise soupira ; deux souffles, une aura ; paysans et passants contemplaient béats.
Pris d'ardeur, le vent haussa le ton, chahut de houle sur la végétation des environs. Double élan, adresse et vigueur ! Virtuosité de l'hirondelle, célérité du reptile ; bravoure et citadelles. Les lames dansent, ébranlent ; l'acier tinte, chante et étincelle. La mort luit, la vie tangue, le métal gémit… et cède, dans un cri.
Katsuomaru tomba à genoux. Le nez contre terre, il ne suppliait pas, il remerciait. Hommage au maître, il était prêt pour le point final de ce combat. Ses cheveux étaient tirés avec soin, il avait blanchi ses dents, sa tête rendrait honneur à sa vie passée. Il se demanda juste où Ryumetsuki entreposait ses nombreux trophées.
Le vent s'apaisa, prêt à céder la place à l'ondée qui toujours voyage dans son sillage.
Ryumetsuki fouetta l'air d'un magistral chiburui. Lame et l'âme en paix, il reprit bâton et baluchon et repartit vers le nord, où dit-on, dorment les dragons. Le jeune cerf s'était honorablement défendu, libre à lui d'avoir compris la leçon, ou non.
FiN
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