Bonjoie,

J'ouvre ce sujet avec un article qui devrait intéresser tous les titulaires d'un contrat d'édition :

« La reddition des comptes des comptes des ventes : droit de l'auteur, devoir de l'éditeur »

Article signé maître Emmanuel Pierrat, avocat au barreau de Paris (et écrivain).

Notez que cet article tient compte des dernières évolutions de la législation en date (juin 2018).


La règle veut que la reddition des comptes soit effectuée au moins une fois par an, à la date prévue au contrat ou, en l'absence de date, au plus tard six mois après l'arrêté des comptes. Mais dans les faits, c'est plus compliqué.

Les redditions des comptes défaillantes ou incompréhensibles font partie, à  juste titre, des griefs les plus courants des auteurs envers leur éditeur.

Pourtant, l'obligation de rendre des comptes est inscrite expressément au sein du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), au rang des devoirs principaux de l'éditeur. L’article L. 132-13 du CPI dispose en effet :

"L’éditeur est tenu de rendre compte.
L’auteur pourra, à défaut de modalités spéciales prévues au contrat, exiger au moins une fois l’an la production par l’éditeur d’un état mentionnant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice et précisant la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock. Sauf usage ou conventions contraires, cet état mentionnera également le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, celui des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure, ainsi que le montant des redevances dues ou versées à l’auteur."

Et l’article L. 132-14 d’ajouter 

"L’éditeur est tenu de fournir à l’auteur toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes. Faute par l’éditeur de fournir les justifications nécessaires, il y sera contraint par le juge."

Au moins une fois par an

De plus, I’article L. 132-17-3 du même Code précise, depuis la loi du 7 juillet 2016 (dite « Culture et patrimoine »), que :

 "l'éditeur est tenu pour chaque livre de rendre compte à l'auteur du calcul de sa rémunération de façon explicite et transparente." A cette fin, l'éditeur adresse à l'auteur, ou met à sa disposition par un procédé de communication électronique, un état des comptes mentionnant :

Lorsque le livre est édité sous une forme imprimée, le nombre d'exemplaires fabriqués en cours d'exercice, le nombre des exemplaires en stock en début et en fin d'exercice, le nombre des exemplaires vendus par l'éditeur, le nombre des exemplaires hors droits et détruits au cours de l'exercice ;

2° Lorsque le livre est édité sous une forme numérique, les revenus issus de la vente à l'unité et de chacun des autres modes d'exploitation du livre ;

3° Dans tous les cas, la liste des cessions de droits réalisées au cours de l'exercice, le montant des redevances correspondantes dues ou versées à l'auteur ainsi que les assiettes et les taux des différentes rémunérations prévues au contrat d'édition.
Une partie spécifique de cet état des comptes est consacrée à l'exploitation du livre sous une forme numérique.

La reddition des comptes est effectuée au moins une fois par an, à la date prévue au contrat ou, en l'absence de date, au plus tard six mois après l'arrêté des comptes.

Mise en demeure :

Ce dernier article indique aussi que "si l'éditeur n'a pas satisfait à son obligation de reddition des comptes selon les modalités et dans les délais prévus (…) :

> l'auteur dispose d'un délai de six mois pour mettre en demeure l'éditeur d'y procéder. Lorsque cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet dans un délai de trois mois, le contrat est résilié de plein droit. 


>Lorsque l'éditeur n'a satisfait, durant deux exercices successifs, à son obligation de reddition des comptes que sur mise en demeure de l'auteur, le contrat est résilié de plein droit trois mois après la seconde mise en demeure. "        

Enfin, le CPI souligne que "l'éditeur reste tenu, même en l'absence de mise en demeure par l'auteur, de respecter ses obligations légales et contractuelles de reddition des comptes."

Avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, la jurisprudence fustigeait déjà les clauses aux termes desquelles la reddition de comptes ne se ferait qu’à partir d’un certain seuil de ventes. Les juges ont d’ailleurs eu l'occasion de décider que l’obligation de rendre les comptes s’appliquait même en cas de rémunération forfaitaire de l'auteur, c'est-à-dire autonome des ventes. La Cour d'appel de Paris a également estimé, en 1993, que l'aspect moral primait sur l'aspect financier et qu'à ce titre la reddition des comptes s’imposait à l'éditeur, même si l’auteur ne lui en faisait pas la demande explicite.

60 % des auteurs doivent réclamer leur reddition de comptes

La Cour de cassation a rappelé, en 1994, que la reddition des comptes devait viser les sous-éditions conclues avec des éditeurs étrangers. Et la Cour d'appel de Paris a même jugé, en 1988, que, si les comptes n'étaient pas suffisamment détaillés, les honoraires de l’expert chargé de les vérifier pouvaient être portés à la charge de la maison d'édition.
Et il va de soi qu’une reddition des comptes frauduleuse aura de graves conséquences, non seulement civiles – telles que, là encore, la résiliation du contrat aux torts de l’éditeur – mais également pénales.

Le Syndicat National de l’Edition et le Conseil Permanent des Écrivains ont diffusé un document informatif très complet, en mars dernier, dans le but "de faciliter la production et la lecture des relevés de comptes". Les informations y "sont synthétisées dans un tableau qui constitue un modèle de présentation des comptes, complété par un glossaire des principaux termes utilisés". La Société des Gens de Lettres et la Société civile des auteurs multimédias ont diffusé début mars 2018 le résultat du dernier baromètre des relations auteurs-éditeurs. Celui-ci révèle que 60 % des auteurs doivent toujours réclamer leur reddition de comptes, laquelle, dans 63 % des cas n’est ni claires ni complète.

La spontanéité et la transparence de la part de l’éditeur ne sont pas que des marques de respect des auteurs, mais surtout des obligations qui découlent de la loi et de la jurisprudence. Sans oublier l’image désastreuse que renvoient les éditeurs pour la plupart honnêtes et toutefois peu soucieux d’améliorer les relations avec leurs auteurs.

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Sept fois à terre, huit fois debout !