Delalaine a écrit: La valeur de la liberté se mesure à ce qu'on en fait !
Yep, m'enfin, j'ai surtout pris la liberté de la blague !
> Soldier of FortuneC'est ce qu'on appelle un réveil de rêve !
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Bon, pour ma part, j'avais point d'idée. Pour une fois, Bubu est resté muet, je ne savais trop où piocher parmi l'existant, même si mes hussards m'ont effleuré l'esprit, mais c'est un récit à la première personne, et la naissance de leur amitié est relatée de façon un peu trop succincte pour ce sujet et ça ne m'a pas dit de la refaire autrement. Inventer d'autres personnages ? Personne ne s'est pointé pour se porter volontaire.
Du coup, c'est de Soldier of Fortune qu'est venu le secours en me donnant envie de répondre avec une autre rencontre masculin/féminin piochée dans Roman3, ma saga mise entre parenthèse le temps que je publie (peut-être) un one-shot.
Certains d'entre-vous s'en rappelleront peut-être, il me semble bien que j'avais posté la première version sur le passé bleu. Ayant stoppé ma troisième réécriture (plus profonde que la précédente) avant ce passage, c'est donc la seconde version qui défendra mes couleurs ici. Version imparfaite qui ouvre une fenêtre sur le niveau que j'avais il y a trois ou quatre ans en arrière.
Foenidis pour Mlirnwirl a écrit: Dans le giron de la large plaine, Fulbar, le visage moiré d'une transpiration malsaine, avait sombré dans les profondeurs d'un sommeil sans couleurs.
Il ne réagit pas dans un premier temps quand son corps se trouva agité de brusques à-coups. Un énorme loup avait saisi du bout des dents la manchette ensanglantée de son gant. En l'absence de réaction de l'être humain dont il s'était méfié de prime abord et excité par le goût du sang, il secouait à présent avec sauvagerie sa prise. Il savait devoir déchirer l'étoffe pour atteindre la chair juteuse.
La brutalité des saccades finit par tirer le jeune homme des limbes. Ses paupières se soulevèrent à regret et sa vue était encore noyée de flou quand son sens de l'ouïe émergea à son tour du brouillard. Les vibrations étranges d'un son inconnu l'incitèrent à faire un effort pour se redresser. Son esprit gourd répondait au ralenti, laborieux combat pour retrouver quelque lucidité.
Sa vision s'éclaircit aussitôt quand il réalisa qu'une hideuse bête tenait son bras droit suspendu par l'étoffe composite de son gant. La cruauté des pupilles jaune d'or de l'animal soulignée par un grondement agressif, l'ivoire des poignards entre ses babines retroussées, ne laissaient aucune place au doute.
L'afflux d'adrénaline fut aussi salutaire qu'efficace, et la réaction du guerrier instantanée. Projetée avec un cri martial, une puissante décharge jaillit de sa main gauche. Le fauve, foudroyé, s'écroula tué sur le coup.
Assis, le cœur tout palpitant de ce réveil quelque peu brutal, Fulbar constata que six autres prédateurs à la formidable dentition découverte en guise de promesse se hâtaient de former un cercle autour de lui. Il ne savait rien de ces créatures étranges recouvertes de poils, mais son instinct lui dicta la conduite à tenir.
Son bras gauche tendu pour tenir les prédateurs en respect, il entreprit de se lever avec précaution tandis que ses cheveux se soulevaient jusqu'à reformer la crête de son cimier naturel. Si les loups eurent un mouvement de recul en le voyant ainsi dressé et grandi, leurs grognements s'intensifièrent. Irrité de se voir pris au piège, même s'il ne savait trop à quoi s'attendre de la part de ses singuliers assaillants, l'officier gronda à son tour :
— Je ne sais pas ce que vous êtes, mais le premier qui fait un geste est mort !
Non, il n'avait aucune idée de ce dont pouvaient être capable de tels animaux. En d'autres circonstances, il lui aurait été facile de prendre son envol pour faire face avec plus d'efficacité à la meute, seulement il n'en avait pas la force. Il était debout, mais chancelant, clignait des yeux pour éclaircir sa vue brouillée et son épaule meurtrie le tordait à droite. Autre signe de faiblesse : l'étendard de son panache s'affaissait peu à peu.
Les loups n'avaient pas besoin de connaître ce dernier détail pour le savoir blessé et vulnérable. L'odeur âcre du sang mêlée à celle de la fièvre leur avait déjà tout dit. Cette proie allait tomber, ce n'était qu'une question de temps, et mieux encore, ils savaient comment abréger cette échéance. Imperceptiblement leur cercle se resserrait autour du l'excellent repas annoncé. Cet humain devait payer la mort de leur chef de meute et leur rivalité avec les hommes allait donner une saveur toute particulière à ce festin.
Tout à coup, le plus impatient, peut-être la louve dominante, bondit sur Fulbar dont le cimier se redressa dans un spasme. Le guerrier happa habilement la gorge de la bête pour l'électrocuter aussitôt d'une décharge d'énergie. À peine lâchait-il sa prise aux poils roussis que deux autres fauves s'élançaient déjà.
Le temps qu'il transperce l'un d'un tir concentré, l'autre poussait un glapissement aigu, emporté par l'impact brutal d'une très courte flèche au discret empennage hélicoïdal bleuté.
Fulbar réalisa qu'un bruit sourd envahissait la prairie tandis que le sol tremblait maintenant sous ses pieds.
Il eut juste le temps de tourner la tête pour voir débouler une énorme masse bicolore. Aussitôt un javelot cloua au sol le loup opportuniste, à qui le bref instant de distraction de l'homme n'avait pas échappé. Un rapide réflexe fit pivoter le Lovic lorsque le cheval lui passa sous le nez avec la puissance d'une machine de guerre.
Une ombre souple se détacha du destrier au galop, et en un instant Oroliz fut sur pied pour donner un coup sec sur le minuscule déclencheur sous son doigt. Le carreau de l'arbalète miniature déployée sur le bracelet de cuir de son avant-bras droit fit rouler un autre canidé parmi fleurs et graminées. Sous la charge de l'impressionnant étalon, les deux loups survivants prirent la fuite, la queue collée au ventre.
La chasseresse se dirigea vers sa dernière victime après avoir au passage récupéré son javelot empenné de rouge. La bête blessée se redressa la gorge vibrante de haine à l'approche de l'être humain dont le toupet de cheveux était dressé en un demi-pompon parfait. La jeune fille, nullement intimidée par le gabarit impressionnant de l'animal, le feinta avec aisance par un mouvement sur la gauche avant de lui décocher un formidable coup de pied ascendant en pleine tête. Le bref instant taillé dans la garde du féroce carnivore fut mis à profit pour assurer la prise en main de la lance. Défaut de l'épaule pourfendu, petit cri de chien battu, le loup n'était plus.
La résonance de chocs sourds annonça le retour triomphal de Jap. Tête haute et queue en panache, il faisait ronfler ses naseaux d'étalon victorieux alors que sa cavalière récupérait son arme d'un geste sec.
— Des tueurs d'ours ! En principe à cette saison, ils sont plus hauts dans les montagnes pour profiter de la faiblesse des bêtes après l'hiver. Je me demande ce que ceux-là fichaient ici…
Le cœur de Fulbar s'était emballé en voyant l'imposant animal revenir vers eux. La crispation sur son visage était visible quand il tendit le bras en direction du cheval. D'un bond Oroliz fut devant lui, la main sur celle qu'il venait d'armer.
— Hey, du calme ! Ce n'est que Jap !
L'officier, le regard un instant ahuri, ne put s'empêcher de répéter "Jap ?!". Il arracha brusquement ses doigts pris dans ceux de la jeune fille.
— Ne me touche pas !
Il la toisa ensuite, avec une attention toute particulière pour le côté gauche de son thorax.
— Toujours pas de code… une Swinat !
Nullement formalisée par son ton vindicatif, l'adolescente planta sa lance à côté d'elle avec un sourire amusé. Son toupet redescendu en une petite frange arrondie sagement plaquée sur son front, elle se saisit d'une de ses longues nattes pour en agiter le bout.
— Eh non, je suis une Aroline ! Regarde, nous sommes les seuls à savoir teinter nos cheveux comme la forêt ou l'herbe. D'ailleurs je ne connais pas le clan des Swinats.
Elle le scruta avec un peu plus d'intensité. Lui semblait fixer sa coiffure verte avec une expression étrange.
Jamais elle n'avait vu pareille couleur dans un regard ! La couleur emblématique de Berwol, le héros suprême, chéri des dieux. Les iris de son père étaient d'un bleu cristallin, ce violet n'était donc pas commun à tous les Krakaden, celui-ci était-il une exception au même titre que les enfants violets ? Elle se rendit compte qu'elle s'attendait à un homme d'âge mûr, à la stature épaisse. Rudbar étant sa seule référence en matière de Krakaden, elle s'était imaginée en trouver la copie conforme. Elle se moqua intérieurement d'elle-même, comme si tous les Arolins étaient par exemple identiques ! Le guerrier qu'elle détaillait avec tant de curiosité était un jeune homme sorti sans conteste de l'adolescence certes, mais qui ne devait pas passer de beaucoup la vingtaine de saisons claires. Il était de robuste constitution avec une plastique qui dégageait autant de force que d'élégance dans son drôle de vêtement. Tenue étonnante dont elle ne reconnaissait ni la nature de l'étoffe, ni la matière des bottes ou de la ceinture qui n'avait pas l'apparence du cuir. Ce tissu inconnu devait être d'une grande souplesse, car il épousait les reliefs parfaits de ce corps travaillé, presque comme une seconde peau. Les spallières sur ses épaules ne semblaient pas de métal non plus, ni même d'écaille, de carapace, d'os ou de peau et n'étaient maintenues par aucun lien ou rivet visible. Bien que la souffrance le voûte un peu, elle constata qu'il était de grande taille, à peine plus grand que son père, et bien davantage qu'un Arolin. La gravité de sa mine accentuée par les marques de combat contrastait avec la jeunesse de ses traits, donnant l'impression d'une personne vieillie avant l'âge. Cet effet était allégé par la fraîcheur des gracieuses courbes tracées par ses cheveux. Drôle de crinière d'un blanc brillant qui répondait aux méandres argentés pour mettre en valeur la lumière de son regard hors du commun. La construction de son visage composait un ensemble harmonieux, même si ses lèvres sévères auraient gagné à animer d'un sourire la fossette de son menton. Elle conclut en se disant que si sa moue peu amène pouvait rebuter, finalement la virilité latente qui se dégageait de ce bel inconnu était bougrement plaisante. À moins que ce ne soit la détresse qu'elle devinait au-delà de ses réflexes de défense qui fut touchante.
Elle réalisa qu'elle ne s'était pas présentée, pas étonnant qu'il soit méfiant !
— Je suis Oroliz, je suis là pour t'aider et pour qu'on retrouve mon petit frère tous les deux.
Fulbar, qui ne s'était pas privé lui non plus pour observer cette drôle d'inconnue, était en pleine confusion. Une unité féminine, loin de toute base… et qui savait se battre ! Elle avait déclaré ne pas être Swinat. De toute manière, outre le fait qu'aucun Swinat ne serait venu lui prêter main forte, cette fille était manifestement de lignée drakhôle ! Mais d'où sortait-elle donc ? La tête lui tournait, il vacilla légèrement. Il lutta pour garder bonne contenance : surtout pas de signe de faiblesse !
— M'aider ?! Je n'ai pas besoin d'aide !
Il désigna d'un petit coup de tête le grand destrier lancé dans une tonte méthodique de l'herbe haute.
— Ce monstre, qu'est-ce que c'est ?
Surprise par la saugrenuité de la question, Oroliz regarda tour à tour le cheval puis le blessé, avant de s'exclamer avec un plissement de front :
— Houlaaa ! Il n'y a pas que ta main qui doit être brûlante, tu dois te trimballer une sacrée fièvre !
Tout en parlant, elle lui adressa un franc sourire amical avant d'entreprendre de replier son arbalète miniature. Ceci terminé, elle rejoignit sa monture pour fouiller dans le paquetage.
— Heureusement, j'ai ce qu'il faut ! Papa a eu raison de m'envoyer t'aider, et Ouranis de me prêter son Jap. Remarque, rien qu'à voir ta mine, j'aurais dû me douter que t'étais pas dans ton assiette. Et puis tu peux remercier le Grand Dragon de m'avoir permis d'arriver à temps. Ces gros loups sont particulièrement agressifs, sans compter que tu en as tué un. Une meute ordinaire aurait pris la fuite, mais les tueurs d'ours, y'a rien de tel pour les enrager ! Ils auraient fini par t'avoir dans l'état où tu es…
La jeune fille continua son bavardage tout en extirpant d'une des grandes sacoches une gourde de peau bien gonflée, puis une petite fiole de terre cuite cerclée de cuir.
— Avec une blessure pareille, tu aurais pu penser à te faire un pansement quand même. Elle sembla penser à voix haute en regardant au-dessus d'elle. Mince ! Handicapé comme t'es, ça va se corser pour la Montagne de Feu…
Comme elle se retournait, elle suspendit net son monologue. Chancelant, tremblant, les dents serrées sous un regard chargé de menace, Fulbar la pointait de sa main gauche, index et majeur joints au-delà de ses autres doigts repliés. Il gronda d'une voix sourde :
— Plus un geste ! Ne m'approche surtout pas !
Sans se départir de son calme, Oroliz souleva la gourde.
— T'es vraiment à cran ! Ce n'est que de l'eau… Regarde-moi, tu vois bien que je ne suis pas une Morwar quand même ! Après un bref instant de réflexion, elle ajouta : Mon père a dû te parler de moi, je suis Oroliz, la fille de Rudbar. Tu étais son ami, n'est-ce pas ? Il m'a demandé de…
Le flot de mots resta en suspens. Les cheveux de Fulbar avaient à peine eu le temps de faner que le guerrier s'effondra en arrière tel un bloc. Le choc sur le sol fit brusquement relever la tête à l'étalon. Sa cavalière et lui se regardèrent avec étonnement avant que la jeune femme ne commente :
— Ben là au moins, il est calmé ! Tu as vu ? On dirait que ses cheveux sont comme les miens et ceux d'Aradis, ça fait drôle, tu trouves pas ? Maman m'a dit que ceux de Papa étaient comme ça aussi avant qu'il les rase, tu crois que c'est tous les Krakadens qui peuvent faire ça ? Enfin, remarque, avec Aradis on n'en est pas vraiment ; ceux qui ont du sang de Krakaden on va dire alors…
Rêveusement,
Foenidis
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Sept fois à terre, huit fois debout !