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Autre cheval de bataille pour les auteurs SFFF, la place des genres de l'Imaginaire en France.

Je relaie ici un très bel article de Stéphane Marsan (auteur et directeur Bragelonne) lancé à l'occasion de l'ouverture du mois de l'Imaginaire 2018.

Plaidoyer paru sur le site du BibliOBS

Stéphane Marsan a écrit:
Ce mois d'octobre 2018, une cinquantaine d'éditeurs français s'unissent pour organiser "le Mois de l'Imaginaire", et promouvoir une littérature de genre qui, en France, trouve de nombreux lecteurs mais peine à être reconnue. Cette tribune de Stéphane Marsan fait le point sur la situation.

L’Imaginaire en France : une utopie?
Les littératures de l’imaginaire (Fantasy, Fantastique, Science-Fiction) sont celles qui se donnent toute liberté: ses histoires s’émancipent des contraintes de la réalité, elles n’ont pas à justifier où, quand, comment ni pourquoi elles se déroulent, l’auteur allant parfois jusqu’à composer en détails son propre univers. Si cette démarche est aussi ancienne que l’humanité, son inscription en bibliothèque et en librairie sous une catégorie distincte de la littérature réaliste, dite générale, a à peine plus d’un siècle. Elle n’a rien perdu de sa popularité, mais tandis que ses œuvres inspirent massivement les autres domaines de création, elle subit un manque criant et injuste de reconnaissance intellectuelle, de présence en librairie et d’exposition médiatique… et particulièrement en France.

Pourtant on ne peut pas dire que l’imaginaire ait manqué à l’histoire littéraire du pays de Rabelais, avec Jules Verne, les surréalistes, Julien Gracq, Marcel Aymé, Pierre Boulle («la Planète des singes»), René Barjavel («la Nuit des temps») ou encore Pierre Paireault alias Stefan Wul («Niourk») pour n’en citer que quelques-uns. Mais dès qu’ils sont considérés comme des classiques, ces romans quittent bien vite le rayon du genre.

Voyons le Goncourt, le plus célèbre de nos prix littéraires, dont les créateurs ont voulu qu’il récompense «le meilleur ouvrage d'imagination en prose» de l’année. De fait, il est remis pour la première fois en 1903 à un roman de science-fiction, «Force ennemie» de John-Antoine Nau, dont le héros est possédé par l’esprit d’un extraterrestre ayant fui sa planète. Et depuis ?

L’Imaginaire s’est épanoui ailleurs, dans la contre-culture (comme autrefois le romantisme et le surréalisme) à laquelle l’adhésion de la jeunesse permet de dominer les autres arts et industries culturelles et de divertissement qui en pillent (sans cesse) ou en adaptent (souvent) les œuvres. Dans la liste des vingt plus gros succès cinématographiques de tous les temps, on compte pas moins de dix-sept films de science-fiction et de Fantasy! Les séries télé «Game of Thrones» ou «The Walking Dead» passionnent bien au-delà des «geeks». L’imaginaire imprègne tout le jeu vidéo, dont le chiffre d’affaires est le double de celui du cinéma, et encore largement la bande dessinée: eh oui, «Astérix» et sa potion magique, c’est de la Fantasy !

Voilà pour l’entertainment et ce qui échappe à l’approbation élitiste, mais les livres? Le public les célèbre aussi, quand on veut bien lui poser la question. Le plus vaste sondage jamais effectué sur les romans du XXe siècle préférés des Anglais en 1997 donnait les deux premières places au «Seigneur des anneaux» de J.R.R. Tolkien et à «1984» de George Orwell. Les Anglais auraient-ils des goûts douteux?

D’ailleurs le goût pour l’imaginaire n’est pas l’apanage des pays de langue anglaise. Il flamboie en Allemagne (où des romans de Fantasy se vendent régulièrement à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires), en Espagne («Le Nom du vent» de Patrick Rothfuss, 700.000 ventes en deux ans), en République tchèque (où la Fantasy humoristique de Sir Terry Pratchett est adaptée au théâtre à Prague)… et l’un des auteurs de Fantasy les plus lus au monde est polonais et s’appelle Andrzej Sapkowski («le Cycle du Sorceleur»).

L’Imaginaire est populaire, vivant, omniprésent. Sauf en France, semble-t-il, où il peine à être reconnu, pour ses succès bien sûr, mais aussi pour sa qualité.

Certes, en France aussi, certains auteurs contemporains d’Imaginaire vendent leurs livres par millions: Stephen King, George R.R. Martin, Robin Hobb, David Gemmell, Terry Goodkind… et les écrivains français ne sont pas en reste: Bernard Werber, Maxime Chattam, Pierre Bordage, Pierre Pevel, Henri Loevenbruck, Alain Damasio se sont attachés des centaines de milliers de lecteurs. Mais quel opprobre ils subissent ! Certes, l’Imaginaire ne représente que 7% du marché français de la fiction… Mais occupe-t-il 7% des rayons des libraires, 7% des pages livres de la presse écrite, 7% des émissions culturelles à la radio ou à la télévision? Non, loin de là.

Heureusement, les nouvelles générations luttent contre la surdité et le mépris: des dizaines d’écrivains talentueux, pour qui imagination et littérature ne s’opposent pas, des éditeurs créatifs et dynamiques qui reflètent la vitalité et l’innovation de ces genres, des libraires et des bibliothécaires qui ne ménagent pas leurs efforts pour partager leur passion, des organisateurs de festivals dont le succès ravit leurs municipalités… De fait, selon une étude du CNL, 46% des 15-19 ans préfèrent les littératures de l’Imaginaire. Veut-on que encourager la lecture chez les jeunes Français, ou pas?

Ces premiers hommes nous permettent de croire en une France qui accordera à l’Imaginaire la place qui est la sienne. Imaginons, un instant, que les libraires se dotent d’une offre consistante et visible; imaginons que la presse rajeunisse son lectorat en s’adressant à tous; imaginons que la télévision et le cinéma français ne délaissent plus l’imaginaire audiovisuel au profit des Etats-Unis et puisent dans le génie national. Faisons le choix de lire pour le plaisir, de rêver l’avenir et l’ailleurs. Faisons place à l’imaginaire en France.

Stéphane Marsan,
éditeur,
directeur des éditions Bragelonne


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Sept fois à terre, huit fois debout !

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Ah, cet article a fait couler pas mal d'encre virtuelle sur Facebook ! *lol*


Tout de même, ces 7% de marché devraient mériter plus de visibilité en librairie, et pas qu'au rayon jeunesse, je crois qu'on est tous d'accord là-dessus...

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Article très intéressant (j'avais d'ailleurs mis un lien pour le lire dans notre conversation sur Maliki *;)* ).

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Yo no soy David Wozniak

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Ah mais oui, c'est un super article.
Pour chipoter un chouia: les 7% des rayons des libraires, je pense qu'ils y sont souvent, mais c'est vrai que ce sont 7% de surface à part. En général à côté des BD, plutôt dans un recoin ou une mezzanine, en tout cas soigneusement écarté de la littérature "prestigieuse". Ce sont bien les 7% d'émissions culturelles ou de magazines littéraires et les 7% de Prix littéraires non spécialisés qui nous manquent - ça évolue, mais très très lentement.
Et puis un petit jugement qui n'engage que moi: Damasio (et quelques autres) pour afficher de la qualité qui se vend, ok, mais Werber? Certes il se vend très bien, mais ce n'est peut-être pas la meilleure vitrine qui soit pour être pris au sérieux...
Pour le reste, je signe tout. Evidemment, ça vient de Stéphane Marsan, avocat de l'Imaginaire s'il en est - si ça venait de Bernard Pivot, on se dirait que les choses bougent déjà beaucoup. De fait, ça va bouger... mais va falloir être militant et jouer sur la durée...
Court échange avec un collègue, avant-hier. Lui, consterné par sa fille de 17 ans:
– Putain, c'est l'horreur, elle lit rien alors qu'elle est en section littéraire, t'imagines? Enfin si, elle lit les bouquins imposés. Et puis des conneries aussi, là, tu sais, de la fantasy...
Moi j'essaie de lui expliquer que la fantasy, ça peut être très bien en fait. Lui se demande si je déconne, et ayant constaté que je suis sérieux, le dialogue se clôt à peu près instantanément.
Et je me dis: vivement que lui soit à la retraite et que sa fille devienne adulte.

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Marc S. a écrit:
Enfin si, elle lit les bouquins imposés. Et puis des conneries aussi, là, tu sais, de la fantasy...

Aïe... *roll*

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Yo no soy David Wozniak

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Oui, aïe.
En même temps, ce n'est pas un scoop, le milieu enseignant n'est pas forcément le plus open sur ce genre de questions...
Et puis plutôt que la fermeture du père, je retiens l'ouverture de la fille. Mes étudiants citent souvent Harry Potter comme livre préféré, toutes catégories confondues. Des étudiants de 20 ans. Je note donc avec satisfaction que jeunes adultes, ils ne renient pas leurs lectures d'adolescence, au contraire. Devenus parents, on peut raisonnablement espérer qu'ils ne porteront pas de jugement à l'emporte-pièce sur les genres de l'imaginaire. Voilà de quoi avoir un peu d'espoir pour la suite!

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Bah pour parler du milieu universitaire peut-être invoquer Anne Besson ou Mathieu Letourneux qui sont spécialisés dans les littératures populaires et les mauvais genres.
Il y a de plus en plus d'études universitaires sur les littératures de l'imaginaire, ne serait-ce que sur Tolkien.

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Oui, les universitaires sont partants, c'est déjà ça (du reste, c'est plutôt tendance, en ce moment, pour les chercheurs, de se pencher avec beaucoup de sérieux sur la culture pop, grand public etc. comme les séries américaines les plus regardées, sur lesquelles pleuvent les études et les colloques).
Lecture spontanée comme lecture savante peuvent se retrouver sur l'imaginaire. En fait, le chaînon manquant, ce sont bien les médias généraux qui peinent à intégrer la SFFF dans leurs prescriptions.

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Yep... mais d'un autre côté, les médias généraux perdent aussi de l'audience au profit d'internet. Or, sur internet, la pop culture règne largement.

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Sept fois à terre, huit fois debout !

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Je suis complètement d'accord! Le problème reste la notion, si volatile, de prestige. Pour l'instant, pour toute une génération (pas la plus jeune), les prescripteurs traditionnels (revues littéraires, prix, émissions) donnent encore le la de ce qui apparaît sérieux ou pas - d'où des réactions encore hostiles ou condescendantes face à la SFFF. Mais bien sûr, l'audience de ces prescripteurs ne cesse de baisser, et ils creusent leur propre tombe.

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Il y a toujours eu une marche entre la littérature populaire et la littérature de salon. Mais ce n'est qu'une marche de prestige, pas une marche de vente ou d'appréciation populaire, au contraire.

Qu'on pense comme, encore récemment, il a été difficile de faire accepter Dumas au Panthéon (alors même que, auteur populaire en son temps, il est passé dans les "classiques" -au point que les gamins ne veulent pas le lire, persuadés que c'est automatiquement du littéraire pompeux car classique).

Donc, franchement, je ne crois pas que le manque de reconnaissance germanopratin ou de critiques de tel ou tel magazine soit si important. Ce qui importe, c'est ce que le gens lisent vraiment. Après, il faut trouver un autre moyen d'exposition que les prix en quant à soi et les médias classiques. Sans rien attendre de leur part. La reconnaissance, ça ne se force pas, ça se gagne.
De toute façon, ne nous leurrons pas, le jour où l'imaginaire prendra des lettres de noblesse, c'est un autre genre qui sera classé comme "populaire", sous-entendu "moins intelligent", "de moins de valeur" ou dieu sait quoi.

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L'auto-édition fait un bon concurrent en tant que nouvelle serpillière, comme le livre de poche en son temps.

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