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Interview de Jean-Philippe JAWORSKI - Auteur publié

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Seigneur plusieurs fois récompensé de la fantasy francophone – Prix du Cafard Cosmique - Prix Planète SF des blogueurs - 2 x Prix Imaginales – Jean-Philippe JAWORSKI nous fait la joie et l'honneur de répondre à notre curiosité.

Inscrit sur le forum sous le pseudo de "Sarmate", il sera heureux de répondre à vos question à partir de ce soir après 19 heures.

Voici donc ses réponses aux questions de l'interview :


Bienvenue Monsieur Jean-Philippe JAWORSKI, et merci d'avoir eu la gentillesse de répondre à ces quelques questions propres à assouvir la curiosité de nos membres.

Jean-Philippe Jaworski : Merci pour votre intérêt.


Pour commencer, comment vous est venue l'envie d'écrire ? Pourquoi des récits dans le genre de l’imaginaire ?

J.P.J. : La question de l'origine de la vocation littéraire est glissante : y répondre pourrait assécher la source. Le cas de Sartre en est un exemple éloquent… Chez moi, cette envie vient de l'enfance. Pour faire synthétique et paradoxal, j'en proposerai deux interprétations. Je me reconnais dans l'imposture de l'écrivain dégagée par Sartre dans son autobiographie d'enfance Les Mots et dans la théorie  sur l'aire intermédiaire d'expérience développée par le psychanalyste Donald W. Winnicott dans Jeu et réalité. La deuxième partie de la réponse découle de la première. Ce que Winnicott appelle l'aire intermédiaire d'expérience correspond à l'interface psychique entre la subjectivité et la réalité extérieure, ce qu'en d'autres termes on peut appeler l'imaginaire. Cela a probablement orienté mes goûts vers le mythe, le fantastique et la fantasy.


Que pouvez-vous nous dire sur vos influences littéraires ? Quelles sont vos sources d’inspirations?

J.P.J. : Quelle question ! Elle demanderait une réponse aussi longue qu'incertaine, dans la mesure où mes influences ont varié selon mon âge et mon humeur… Disons, en vrac, que des auteurs comme Homère, Virgile, Chrétien de Troyes, William Shakespeare, J.K. Huysmans, J.R.R. Tolkien, J.L. Borges, Jean Giono, Marguerite Yourcenar m'ont d'une façon ou d'une autre marqué. J'ai également lu beaucoup de littérature de l'imaginaire ; j'ai été marqué par les grands fantastiqueurs du XIXe siècle (Poe, Gautier, Maupassant, Villiers de l'Isle-Adam), le cycle de la Culture de Banks, les premiers romans du cycle des Mythagos de Robert Holdstock, certains romans de fantasy d'Ursula Le Guin (les trois premiers volumes du cycle de Terremer et le récent Lavinia, qui rejoint mon admiration pour Virgile), et j'en oublie des quantités… Je lis également une profusion de biographies et d'essais historiques, dans lesquels je pille énormément de matière pour mes récits d'inspiration celtique, médiévale ou Renaissance. Je dois toutefois rendre à César ce qui lui appartient : Tolkien a eu une importance énorme dans mes goûts de joueur et d'écrivain. Mes méthodes sont largement inspirées des siennes, en particulier dans la façon dont il a bâti une fantasy où le monde secondaire est pétri de références voilées de nature littéraire et historique.



Vous avez fait partie de l'univers du Jeu de Rôle : Comment avez-vous vécu cette triste période courant des années 90 où le JdR fut tant décrié ? Cela vous a-t-il influencé d’une quelconque manière ? Dans quelle mesure le passage par le Jeu de Rôle vous a-t-il servi dans le domaine de la création littéraire ?

J.P.J. : Quelle triste période, en effet, que celle de l'affaire de Carpentras et de la campagne de presse qui a suivi… Alors que le jeu de rôle était en train de se démocratiser en France et n'avait jamais compté autant de clubs et de joueurs, la détestable manœuvre de Le Pen, en quête d'un bouc-émissaire pour détourner les soupçons qui pesaient (à juste titre) sur la responsabilité de l'extrême droite dans la profanation du cimetière de Carpentras, a commis des dégâts irréversibles dans la communauté rôliste. Je vois encore maître Gilbert Collard brandissant devant la presse une enveloppe vide où il prétendait avoir les noms des profanateurs, au sujet desquels il faisait courir le bruit qu'il s'agissait de rôlistes fils de notables… Je reste écœuré de voir le même Collard toujours invité sur les plateaux de télévision, parlant il est vrai de façon plus déclarée au nom de la fachosphère. Concrètement, j'ai vécu les effets délétères de cette manipulation. La campagne de presse anti-jeu de rôle a excité l'hostilité du corps enseignant contre le club de jeu de rôle que j'avais co-fondé dans le lycée où je commençais à enseigner ; alors que ce club fonctionnait remarquablement, il a très vite périclité devant la défiance de l'institution.
Cela m'a-t-il influencé ? Tout au plus cela m'a affecté, parce que je me suis senti diffamé en tant que joueur, et parce que j'ai été effaré de voir des collègues qui me paraissaient raisonnables très rapidement intoxiqués par les médias.
J'ai commencé à pratiquer le jeu de rôle alors que j'écrivais déjà – ma vocation a été précoce. Il n'a donc pas été un déclencheur, juste un autre mode d'expression et surtout un autre mode d'immersion imaginaire. Dans un sens, il a même retardé le début de ma carrière littéraire, parce que je lui ai consacré beaucoup de temps et d'énergie. Je ne le regrette en rien. Même si je n'en connaissais pas le concept, le jeu de rôle m'a amené à découvrir l'intermédialité, la circulation de l'imaginaire à travers différents modes d'expression. Il m'a amené à travailler de façon empirique la question des points de vue, des accroches, des procédés narratifs qu'on appelle « fusils de Tchekhov » ou « paiements » en dramaturgie, et plus simplement « préparations », pour reprendre la notion exposée par Maupassant dans Le Roman. Enfin, le jeu de rôle est une formidable école de construction du personnage en tant qu'actant.


Quelle est votre approche de la SFFF ? Quels éléments rendent à votre avis vos récits différents de ceux d'autres écrivains du genre ?

J.P.J. : J'écris de la fantasy teintée d'histoire et de fantastique. Je ne suis pas un auteur de science-fiction, bien que ce genre m'intéresse. Il m'arrive d'écrire en me servant de la fantasy comme d'un modeste outil de prospective anthropologique : admettre la présence du surnaturel dans l'univers de la fiction permet d'essayer de se représenter la pensée magique à l'œuvre dans diverses sociétés humaines, passées ou, pourquoi pas, actuelles. Mon but premier reste quand même de fournir de la littérature d'évasion ! Je ne pense pas être bien placé pour comparer mes livres à ceux d'autres écrivains du genre : c'est me demander d'être juge et partie. Tout au plus puis-je fournir un avis autorisé sur mes intentions.


Quelle est votre rapport à l’écriture, avez-vous rencontré des difficultés pour atteindre votre niveau technique actuel ?

J.P.J. : L'écriture est pour moi un travail permanent. La rédaction à proprement parler n'est que la face émergée de l'iceberg : en tant que lecteur, en tant que professeur quand je fais de l'analyse littéraire, en tant que promeneur ou même en tant que coureur quand je brasse des problèmes de composition, je travaille ma langue et mes récits. Quant aux difficultés, je ne connais que cela. Je n'écris pas mieux qu'avant, je dois d'ailleurs faire des efforts pour que la qualité de ce que je produis ne faiblisse pas. L'expérience apporte simplement un regard plus critique sur ce que je compose ; j'identifie plus facilement mes défauts. Cela ne livre pas forcément des solutions aux problèmes rencontrés. Par ailleurs, l'un des plus grands obstacles que je rencontre est le manque de temps. Cela induit l'écriture discontinue de récits dont la narration est filée. Ce paradoxe génère des difficultés en cascade : oublis, absence de vision d'ensemble, problèmes d'unité de ton…



Combien de temps vous a demandé l’écriture de votre premier roman ? Et aujourd’hui, combien de temps vous faut-il en moyenne pour écrire un roman ?

J.P.J. : De quel roman parlons-nous ? Du premier roman écrit ? Ou du premier roman publié ? (Qui fut en fait le troisième de mes romans achevés.) Heureusement, la réponse est toujours identique : plusieurs années. C'est encore valable actuellement.


Vous êtes manifestement très à l'aise dans le format de la nouvelle, quels enseignements en retirez-vous ? Vos nouvelles publiées ont-elles influencé les éditeurs qui ont pris en charge vos romans ?

J.P.J. : Je ne me sens pas si à l'aise que cela dans la nouvelle. Je suis très loin de la virtuosité des maîtres du genre. Disons que j'applique une méthode, en artisan appliqué. Mes nouvelles ont certes joué un rôle dans le lancement de ma carrière littéraire, puisqu'elles ont convaincu André-François Ruaud de me publier, alors que mes premiers romans avaient été (à juste titre) systématiquement refusés. Cela dit, les éditeurs préfèrent quand même les romans, qui sont plus rentables…


Est-ce indiscret de vous demander sur quels projets vous travaillez à l’heure actuelle ?
Le fier Bellovèse a-t-il sonné le glas de l'impertinent Benvenuto ?

J.P.J. : Je travaille toujours sur la deuxième partie de Chasse royale, qui est déjà plus importante que la première… Quant à Benvenuto, il n'a pas besoin de Bellovèse pour se mettre dans le pétrin.


Quel sentiment éprouvez-vous au regard de vos publications, maintes fois récompensées ?

J.P.J. : Je suis très heureux d'avoir été honoré par ces prix. Pour ce qui est de mon regard sur les textes, il fluctue. Parfois, j'en suis très satisfait ; un autre jour, je n'en verrai que les insuffisances.


Quel est votre rapport face aux critiques ? Vos récompenses ?

J.P.J. : Je suis les critiques et je reçois les récompenses avec plaisir. C'est une vraie satisfaction de voir que les textes sur lesquels on a beaucoup sué rencontrent le public. Ma sensibilité aux critiques évolue en fonction du temps écoulé depuis la parution des livres : je reste très susceptible peu après la publication, et je suis plus distancié par la suite. Les critiques négatives, quand elles sont fondées, sont très enrichissantes et permettent de cerner mes défaillances. Quand elles sont infondées, elles m'amusent. Je me souviens par exemple d'un billet affirmant qu'on voyait s'affirmer le style des nouvelles de Janua vera à mesure qu'on avançait dans la lecture, alors que la composition du recueil n'est pas diachronique…


Que pensez-vous de vos rapports avec vos éditeurs ?

J.P.J. : Ce sont des rapports très amicaux.


De plus en plus d'auteurs – parfois reconnus - se tournent vers l'auto-publication, que pensez-vous de cette nouvelle voie ?

J.P.J. : C'est un autre métier, que je n'aurais ni le temps ni la compétence de faire.


Avez-vous une manie, un rituel, un objet ou un endroit fétiche essentiel pour être dans les meilleures conditions d'écriture ?

J.P.J. : Je n’ai ni manie ni rituel pour écrire. En revanche, je travaille beaucoup mieux quand j’ai accès à mes dictionnaires, qui sont vraiment des outils indispensables.  J’ai aussi besoin des documents de travail que je me suis établis et qui permettent de structurer l’univers de la fiction. Ainsi, à propos de Rois du Monde, mon cycle en cours, j’ai des index de noms de personnages, des lieux et des cours d’eau antiques. En ce qui concerne les endroits où j’écris, il en est de deux types. Pour l’essentiel, je travaille au calme, dans mon bureau. Je suis également capable d’écrire dans des lieux publics comme les cafés, les salles d’examen, le train. En revanche, je suis incapable d’écrire dans les lieux semi-privés comme une chambre d’invité ou une chambre d’hôtel. Je ne parviens pas à comprendre d’où vient ce blocage.
La pratique du jogging est aussi un complément important au travail d’écriture. C’est dû, je pense, à la combinaison d’une meilleure irrigation du cerveau et d’une certaine forme de concentration. Quand je me heurte à une impasse narrative, je trouve souvent la solution après trente à quarante minutes de course où j’ai pris le temps d’y réfléchir.



Auriez-vous un conseil à prodiguer aux auteurs en herbe qui espèrent être publiés ?

J.P.J. : Soyez tenaces – ou masochistes. L'essentiel, c'est la capacité à l'encaisse. Il  faut beaucoup travailler : avoir une activité alimentaire, parce que la littérature ne paie pas, ou très mal. Il faut aussi beaucoup travailler pour publier et, surtout, pour rencontrer le public. Le talent n'est qu'un atout assez accessoire : c'est la qualité et la régularité du travail qui font la différence. Bref, il faut travailler deux fois plus que les autres. Lisez beaucoup. Vivez beaucoup. Écrivez beaucoup. Vous essuyez des refus ? C'est normal. Relevez-vous. Recommencez.


Un dernier mot pour conclure ?

J.P.J. : Je laisse la parole à l'impertinent Jean Giraudoux. Un petit extrait de la scène 9 de l'acte II d'Ondine :  

« ONDINE : Vous êtes le poète, n'est-ce pas ?
LE POÈTE : On le dit.
ONDINE : Vous n'êtes pas très beau...
LE POÈTE : On le dit aussi...On le dit plus bas...Mais comme les oreilles des poètes ne sont sensibles qu'aux chuchotements, je l'entends d'autant mieux.
ONDINE : Est-ce que cela n'embellit point, d'écrire ?
LE POÈTE : J'étais beaucoup plus laid ! »

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Sept fois à terre, huit fois debout !

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( je me lance en avant première pour donner un peu de matière, d'autant que je ne suis pas certain d'être là ce soir :) )

Tout d'abord, je tiens à vous remercier, Jean-Philippe (oué, je suis comme ça, moi: direct le prénom), pour la venue sur l'Orée et pour l'interview. c'est fort sympathique !
Et qui plus est, elle est très intéressante.

À mon grand dam, cela dit, je ne connais que peu vos œuvres. Une lacune que j'avais dans l'idée de combler, tant ma connaissance de l'imaginaire français est médiocre, et que vous faites partie des quelques auteurs recommandés par nombre de personnes qui s'y connaissent un tant soit peu.

Ainsi, mes questions seront simples (ou pas) :
Parmi les œuvres que vous avez écrites et publiées, De laquelle êtes-vous le plus satisfait ?
Et, si ce n'est pas la même, laquelle conseilleriez-vous pour rentrer dans votre univers ?

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Salutations.


D'emblée, un grand merci, M. Jaworski, d'avoir eu l'amabilité de vous prêter à cette interview, mais surtout de nous faire l'honneur de votre présence sur l'OdC pour répondre à nos questions.


J.P.J. a écrit:
L'expérience apporte simplement un regard plus critique sur ce que je compose ; j'identifie plus facilement mes défauts. Cela ne livre pas forcément des solutions aux problèmes rencontrés. Par ailleurs, l'un des plus grands obstacles que je rencontre est le manque de temps. Cela induit l'écriture discontinue de récits dont la narration est filée. Ce paradoxe génère des difficultés en cascade : oublis, absence de vision d'ensemble, problèmes d'unité de ton…

Afin de remédier à ces problèmes, avez-vous recours à des bêta-lecteurs ? Si tel s'avère le cas, quel est votre regard sur la bêta-lecture et comment vous servez-vous des analyses qui vous sont offertes ?


J.P.J. a écrit:
De quel roman parlons-nous ? Du premier roman écrit ? Ou du premier roman publié ? (Qui fut en fait le troisième de mes romans achevés.)
[…] mes premiers romans avaient été (à juste titre) systématiquement refusés.

J'avoue que cette révélation me laisse pantois au regard du succès qui est le vôtre aujourd'hui. Mais à la vérité, elle projette aussi une lueur d'espoir sur les auteurs en herbe que nous sommes — certes, n'est pas M. Jaworski qui veut *^^°* —, du moins pour les plus « tenaces », pour vous citer. Afin d'apprendre de votre expérience — et satisfaire ma curiosité —, permettez-moi ces quelques questions :
Que pouvez-nous dire de ces deux premiers romans ? Quels furent les motifs de refus des éditeurs d'alors ? Ont-ils, ou sont-il en passe de trouver preneurs ? Si tel n'est pas le cas, envisagez-vous leurs réécritures, ou serait-ce trop laborieux ?


J.P.J. a écrit:
Je travaille toujours sur la deuxième partie de Chasse royale, qui est déjà plus importante que la première… Quant à Benvenuto, il n'a pas besoin de Bellovèse pour se mettre dans le pétrin.

Je n'ai pas encore eu l'opportunité de lire Gagner la guerre ou le récent Le Sentiment du fer — bien que pour ce dernier, j'ai lu indépendament la nouvelle Profanation ; cela ne saurait tarder —, en revanche, j'ai dévoré Janua Vera : une véritable claque de par les registres stylistiques au service de la teneur des histoires narrées ! Et à propos du Vieux Royaume dont l'univers me sied tout particulièrement, vous mentionniez en septembre 2013 lors d'une interview pour le site Elbakin :
« Quand j'en aurai fini avec ma trilogie celtique, je reviendrai au Vieux Royaume. Je ne fais pas mystère du roman sur lequel je travaillerai, probablement intitulé Le Chevalier aux épines ; il se déroulera dans le duché de Bromael environ dix-huit mois après l'action de Gagner la guerre et aura pour personnage central le trop courtois Ædan de Vaumacel. Mais j'ai en tête le sujet de deux autres romans du cycle du Vieux Royaume, dont le fil rouge pourrait être les répercussions de l'expédition mystérieuse de Sassanos dans Gagner la guerre… »
Du fait que vous œuvrez toujours sur Chasse royale, les projets susmentionnés sont-ils toujours d'actualité ?
Par ailleurs, dans cette — heureuse — probabilité, vous disiez dans l'une de vos précédentes réponses que la rédaction d'un roman vous demandait plusieurs années. Cela impliquerait que vous ne vous y pencheriez pas avant longtemps, non ? Trop, peut-être… À moins que vous ne soyez de ces écrivains qui parviennent à jongler avec plusieurs textes ?


J.P.J. a écrit:
Soyez tenaces – ou masochistes. L'essentiel, c'est la capacité à l'encaisse. Il faut beaucoup travailler : avoir une activité alimentaire, parce que la littérature ne paie pas, ou très mal. Il faut aussi beaucoup travailler pour publier et, surtout, pour rencontrer le public. Le talent n'est qu'un atout assez accessoire : c'est la qualité et la régularité du travail qui font la différence. Bref, il faut travailler deux fois plus que les autres. Lisez beaucoup. Vivez beaucoup. Écrivez beaucoup. Vous essuyez des refus ? C'est normal. Relevez-vous. Recommencez.

Merci pour ces conseils, lesquels je garderai, pour ma part, précieusement à portée de main. Somme toute évidents, or, ils n'en demeurent pas moins riches de sagesse, et ce d'autant plus lorsque le découragement s'abat sur vous à force d'user votre plume en vain.
Quoi qu'il en soit, je rebondis sur cette notion de « rencontrer le public ». Comment le vôtre s'est-il constitué ? Votre antécédent de créateur de jdr reconnu y a-t-il quelque chose à voir ? Fréquentez-vous, ou avez-vous fréquenté un cercle d'auteurs — qu'il s'agisse d'un forum d'écriture ou une société d'écrivains — dont les membres ont su colporter la bonne parole ?


Merci d'avance pour vos réponses, M. Jaworski, et puissiez-vous encore longtemps nous faire rêver *:D*

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Bonsoir !

Tout d'abord, un grand merci à vous d'avoir accepté de nous faire une petite visite ! Comme mes voisins du dessus, je me permets de poser mes (premières ?) questions en avance.

– J'avoue m'être aussi posé la question sur les béta-lectures. Parvenez-vous à effectuer vos corrections seul, ou bien bénéficiez-vous d'un œil extérieur ? Si oui, s'agit-il de proches ? des éditeurs ?

– Il me semble que Janua Vera a été publié avant Gagner la Guerre, mais qu'en est-il de leur écriture ? On entend souvent dire qu'il est difficile pour un auteur inconnu d'être publié.
Avez-vous d'abord écrit ces nouvelles, avant de passer sur le format roman grâce à leur succès ? Ou bien avez-vous d'abord écrit Gagner la Guerre, puis les nouvelles afin de « faciliter » le placement du roman lui-même ?

Janua Vera a-t-il été accepté rapidement, ou bien des éditeurs l'ont-il refusé ? Si oui, pour quelles raisons ?

– Pensez-vous écrire dans d'autres genres littéraires (y compris autres sous-genres de la fantasy) ?

– Lisez-vous toujours, malgré le temps et l'énergie que vous prennent l'écriture ?

Merci d'avance pour vos réponses, j'espère que vous ne vous noierez pas sous les questions *:D*

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Bonsoir Monsieur Jaworski, et encore mille mercis pour l'honneur que vous nous faites et le plaisir dont vous nous gratifiez en acceptant de vous égarer quelques instants en notre compagnie. *:D*

Aux questions très pertinentes de mes camarades, j'ajoute une question sur votre style à la couleur si particulière. En aviez-vous les bases dès le départ ou est-ce plutôt le résultat d'une longue réflexion ?

Certains auteurs ont recours à des logiciels d'aide à l'écriture de plus en plus poussés, que pensez-vous de cette tendance à la "mécanisation" - et peut-être à terme à une certaine forme d'uniformisation - de l'écriture ?

Avez-vous vous même recours à certains de ces nouveaux outils ?

Je rejoins mon ami Akram pour vous encourager à continuer à nous entraîner en vos si beaux, si bons royaumes... pour ça et pour tout le reste, chapeau bas et encore merci, Monsieur Jaworski. ^_^

Rêveusement,
Foenidis

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Bonsoir M.Jaworski,

Tout d'abord, je tiens aussi à vous remercier pour votre présence (à venir, mais l'heure approche!) sur ce fil de discussion.

J'ai découvert votre univers par hasard, en lisant le recueil Janua Vera, emprunté à la bibliothèque. Ce fut une telle révélation que plus tard, on m'a offert la très belle édition reliée, qui s'enrichit d'autres histoires... En fait le livre est si beau et j'ai tellement peur de l'abîmer que je ne l'ai pas encore lu en entier!
J'ai aussi l'édition limitée de Gagner la guerre.

J'étais curieuse de savoir comment vous travailliez à vos scénarios. Est-ce que vous les construisez à l'avance, comme font certains auteurs, ou êtes vous plutôt du genre à tout avoir plus ou moins en tête avant de vous mettre à l'écriture proprement dite?

En ce qui concerne le travail sur le style, êtes-vous un peu comme Flaubert, un perfectionniste qui retravaille minutieusement son premier jet, avec une attention parfois obsessionnelle à la portée de chaque virgule, chaque mot? Ou pas du tout, ou un peu parfois, et parfois peu?

Et sinon... hé bien, merci d'avoir pris le temps de lire ces questions :)

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Bonjour à tous, merci à L'Orée des Conteurs pour son accueil !

Je vais commencer par quelques éléments de réponse aux questions de L'ichor.

L'ichor a écrit:

Parmi les œuvres que vous avez écrites et publiées, De laquelle êtes-vous le plus satisfait ?


Difficile de répondre à cette question. Pour son humour, sa cruauté et la façon dont le livre a rencontré le public, Gagner la guerre est bien sûr un roman dont je suis très satisfait.
Quoiqu'ils s'adressent à un public peut-être un peu moins large, les romans appartenant au cycle de Rois du Monde (du moins ceux publiés à ce jour, Même pas mort et Chasse royale), me remplissent aussi d'une très grande satisfaction. Je suis mal placé pour juger de leur qualité, bien sûr, mais ils représentent un labeur phénoménal, et j'ai souvent craint de ne pas parvenir à tenir le choc sur la longueur. La raison de ces difficultés tient au travail de reconstitution spéculative de l'univers protohistorique peint dans ces récits.

L'ichor a écrit:

Et, si ce n'est pas la même, laquelle conseilleriez-vous pour rentrer dans votre univers ?


Par le titre comme par la date de publication, Janua vera est la vraie porte d'accès au cycle du Vieux Royaume. Mais ce sont des nouvelles.
Si vous préférez un (gros) roman de (sales) aventures picaresques peintes au couteau, Gagner la guerre est un pensum tout indiqué.
Si vous avez quelque curiosité pour une fantasy celtique protohistorique, Même pas mort s'offre à vous.
Enfin, si vous n'avez que deux euros à consacrer à l'essai, vous pouvez vous procurer le mini-recueil Comment Blandin fut perdu, qui vous donnera une idée du style de Janua vera.

Je répondrai plus tard aux nombreuses questions qui arrivent !

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Foenidis a écrit:




Auriez-vous un conseil à prodiguer aux auteurs en herbe qui espèrent être publiés ?

J.P.J. : Soyez tenaces – ou masochistes. L'essentiel, c'est la capacité à l'encaisse. Il  faut beaucoup travailler : avoir une activité alimentaire, parce que la littérature ne paie pas, ou très mal. Il faut aussi beaucoup travailler pour publier et, surtout, pour rencontrer le public. Le talent n'est qu'un atout assez accessoire : c'est la qualité et la régularité du travail qui font la différence. Bref, il faut travailler deux fois plus que les autres. Lisez beaucoup. Vivez beaucoup. Écrivez beaucoup. Vous essuyez des refus ? C'est normal. Relevez-vous. Recommencez.




Ce sont de beaux conseils :).

À propos de l'importance de la régularité et de la nécessité d'avoir un travail alimentaire, une question un peu personnelle, en tous cas très peu littéraire *lol* : à quel moment de la journée préférez-vous écrire?

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Bonjour monsieur Jaworski,

j'arrive un peu après la bataille, toutes mes excuses. Je me joins aux autres membres du forum pour vous remercier du temps que vous nous accordez.
Pour ma part, n'ayant pas lu vos œuvres (ce qu'il faudra que je corrige un jour ou l'autre), je n'ai pas particulièrement de question à vous poser.

Je me permets juste de vous passer un petit bonjour lorrain, et également de vous transmettre les salutations d'un de vos anciens élèves (de ce qu'il m'a raconté, c'est vous qui, en classe, lui avez fait découvrir la fantasy, mais aussi une initiation aux jeux de rôle).

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Bonjour Jean-Philippe Jaworski,

merci de nous faire l'honneur de votre présence ici.

Je ne connais pas vos œuvres. Je les ai pourtant depuis plus d'un an dans ma bibliothèque mais ne les ai pas encore lues. Je me comporte un peu comme ces amateurs de vin qui descendent de temps en temps dans leur cave pour en retirer un millésime réputé. Et vous savez comment ça se passe! Ils ont tendance à conserver longtemps leurs meilleurs crus.

J'aimerais savoir quel est le ressort initial qui vous pousse à choisir un sujet, pour vos nouvelles et romans. S'agit-il de faits puisés dans la réalité? de sources issues des œuvres d'autres auteurs? d'idées personnelles que vous souhaitez illustrer à travers la SFFF? ou autre chose?

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Bonsoir M. Jaworski,

Je voulais vous féliciter pour votre succès, et vous remercier, à la fois d'être aussi disponible, mais aussi pour ces excellents moments de lecture et d'évasion que vous nous avez offerts et que vous nous offrirez.
Je n'ai pas encore eu le temps de me pencher sur votre cycle celtique (qui attend sagement dans ma bibliothèque), mais j'ai déjà dévoré Janua Verra (deux fois) et Gagner la guerre, que je n'hésite jamais à recommander. Et si Aedan figure parmi mes favoris (avec ces descriptions de paysages noyés de brume et de pluie : magnifiques !), c'est la petite Suzelle qui m'a le plus émue, et je vous remercie là encore pour ce très beau conte.

Je suis un peu surprise par vos propos concernant une certaine dissociation de lectorat entre vos deux cycles : dans quelle mesure sont-ils différents ? Est-ce plutôt à cause des thèmes / époques abordés ; de l'écriture ?
Et était-ce voulu de votre part de vous adresser à un lectorat légèrement différent, ou cela s'est-il simplement fait ?

Merci de vos réponses, et mon petit cœur de lectrice est ravi d'avoir pu vous exprimer toute sa reconnaissance !

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Akram a écrit:
Salutations.
D'emblée, un grand merci, M. Jaworski, d'avoir eu l'amabilité de vous prêter à cette interview, mais surtout de nous faire l'honneur de votre présence sur l'OdC pour répondre à nos questions.


Bonjour, Akram. Tout le plaisir est pour moi.



Akram a écrit:

Afin de remédier à ces problèmes, avez-vous recours à des bêta-lecteurs ? Si tel s'avère le cas, quel est votre regard sur la bêta-lecture et comment vous servez-vous des analyses qui vous sont offertes ?


A part ma femme qui a lu la plupart de mes manuscrits, je n'ai que très rarement des bêta-lecteurs. Cela m'est arrivé sur certains chapitres de Gagner la guerre, où j'ai eu recours aux conseils d'un spécialiste de la marine et d'un maître d'armes à propos de la vraisemblance technique de certaines scènes. Mais je cherchais alors davantage l'expertise de ces lecteurs dans des domaines que je ne maîtrisais pas qu'un avis littéraire. Je suis terriblement individualiste, en fait…


Akram a écrit:

J'avoue que cette révélation me laisse pantois au regard du succès qui est le vôtre aujourd'hui. Mais à la vérité, elle projette aussi une lueur d'espoir sur les auteurs en herbe que nous sommes — certes, n'est pas M. Jaworski qui veut *^^°* —, du moins pour les plus « tenaces », pour vous citer. Afin d'apprendre de votre expérience — et satisfaire ma curiosité —, permettez-moi ces quelques questions :
Que pouvez-nous dire de ces deux premiers romans ? Quels furent les motifs de refus des éditeurs d'alors ? Ont-ils, ou sont-il en passe de trouver preneurs ? Si tel n'est pas le cas, envisagez-vous leurs réécritures, ou serait-ce trop laborieux ?


Pardonnez-moi ma discourtoisie, mais je ne m'étendrai pas sur ces romans. Ils ont été refusés pour des motifs tout à fait recevables : c'étaient des juvenilia, avec quantité de défauts de jeunesse, et leur seul mérite est d'avoir contribué à former ma plume. Pour le reste, je n'irai pas les extraire des oubliettes où ils sont tombés…



Akram a écrit:

Et à propos du Vieux Royaume dont l'univers me sied tout particulièrement, vous mentionniez en septembre 2013 lors d'une interview pour le site Elbakin :
« Quand j'en aurai fini avec ma trilogie celtique, je reviendrai au Vieux Royaume. Je ne fais pas mystère du roman sur lequel je travaillerai, probablement intitulé Le Chevalier aux épines ; il se déroulera dans le duché de Bromael environ dix-huit mois après l'action de Gagner la guerre et aura pour personnage central le trop courtois Ædan de Vaumacel. Mais j'ai en tête le sujet de deux autres romans du cycle du Vieux Royaume, dont le fil rouge pourrait être les répercussions de l'expédition mystérieuse de Sassanos dans Gagner la guerre… »
Du fait que vous œuvrez toujours sur Chasse royale, les projets susmentionnés sont-ils toujours d'actualité ?
Par ailleurs, dans cette — heureuse — probabilité, vous disiez dans l'une de vos précédentes réponses que la rédaction d'un roman vous demandait plusieurs années. Cela impliquerait que vous ne vous y pencheriez pas avant longtemps, non ? Trop, peut-être… À moins que vous ne soyez de ces écrivains qui parviennent à jongler avec plusieurs textes ?


Oui, Le Chevalier aux épines est toujours un projet d'actualité. Comme j'ai deux lectorats qui ne se recoupent pas tout à fait – celui du Vieux Royaume et celui de Rois du Monde – mon éditeur m'a proposé il y a quelques mois d'interrompre la composition du cycle Rois du Monde après la publication du deuxième volume de Chasse royale pour composer Le Chevalier aux épines. C'est donc probablement ce que je ferai.
En revanche, j'écris bien mes romans un par un, même si je ne m'interdis pas de me livrer à des recherches pour les livres futurs pendant la composition d'un manuscrit. J'enseigne par ailleurs, j'ai une vie de famille :je ne peux donc pas m'éparpiller.


Akram a écrit:

Merci pour ces conseils, lesquels je garderai, pour ma part, précieusement à portée de main. Somme toute évidents, or, ils n'en demeurent pas moins riches de sagesse, et ce d'autant plus lorsque le découragement s'abat sur vous à force d'user votre plume en vain.


Le découragement est sans doute l'ennemi le plus fréquent et le plus pernicieux du littérateur. J'ai failli y succomber quand j'avais la vingtaine.

Akram a écrit:

Quoi qu'il en soit, je rebondis sur cette notion de « rencontrer le public ». Comment le vôtre s'est-il constitué ? Votre antécédent de créateur de jdr reconnu y a-t-il quelque chose à voir ? Fréquentez-vous, ou avez-vous fréquenté un cercle d'auteurs — qu'il s'agisse d'un forum d'écriture ou une société d'écrivains — dont les membres ont su colporter la bonne parole ?


En effet : j'avais une très modeste reconnaissance dans le milieu du jeu de rôle français qui m'a fourni d'entrée un petit lectorat. J'ai eu aussi la très grande chance d'avoir mon premier livre repéré par un site de fans de SFFF, Le Cafard cosmique, qui lui a tout de suite fait une certaine publicité. Ensuite, la blogosphère a créé un phénomène de bouche à oreille qui a été amplifié par le prix Imaginales ayant couronné Gagner la guerre en 2009. Voilà en gros comment mes bouquins ont rencontré un public assez large. Même si j'ai des contacts amicaux avec plusieurs auteurs de littérature de genre ou de littérature générale, ce ne sont pas ces circuits qui ont beaucoup contribué à la diffusion de mon œuvre, me semble-t-il. Le festival des Imaginales et la blogosphère ont joué un rôle déterminant.

Akram a écrit:

Merci d'avance pour vos réponses, M. Jaworski, et puissiez-vous encore longtemps nous faire rêver *:D*


Merci pour votre intérêt !

descriptionInterview de Jean-Philippe JAWORSKI - Auteur publié EmptyRe: Interview de Jean-Philippe JAWORSKI - Auteur publié

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Symphonie a écrit:
Bonsoir !


Bonsoir Symphonie.

Symphonie a écrit:
– J'avoue m'être aussi posé la question sur les béta-lectures. Parvenez-vous à effectuer vos corrections seul, ou bien bénéficiez-vous d'un œil extérieur ? Si oui, s'agit-il de proches ? des éditeurs ?


J'ai peu de relecteurs parmi mes proches. Il y a toujours des relectures par les éditeurs ou les anthologistes.

Symphonie a écrit:
– Il me semble que Janua Vera a été publié avant Gagner la Guerre, mais qu'en est-il de leur écriture ? On entend souvent dire qu'il est difficile pour un auteur inconnu d'être publié.
Avez-vous d'abord écrit ces nouvelles, avant de passer sur le format roman grâce à leur succès ? Ou bien avez-vous d'abord écrit Gagner la Guerre, puis les nouvelles afin de « faciliter » le placement du roman lui-même ?


La question est compliquée car Janua vera a connu deux éditions augmentées. Le recueil de nouvelles définitif a donc été écrit avant, pendant et après la composition de Gagner la guerre. La première édition de Janua vera (sept nouvelles) a été composée avant le roman ; en fait, c'est lorsque j'ai essayé de placer le manuscrit auprès de divers éditeurs que j'ai cherché un sujet de roman dans le même univers et écrit son premier chapitre (soit Héros de la République, le début de Gagner la guerre) dans le but d'avoir un projet à soumettre aux éditeurs. En effet, un premier ouvrage est généralement déficitaire, et je voulais montrer que j'avais déjà de la matière pour un autre livre. L'édition poche publiée ensuite chez Folio comportait une huitième nouvelle, Un amour dévorant, composée pendant l'écriture de Gagner la guerre. La deuxième édition augmentée du recueil comporte, outre des annexes, dix nouvelles. Les deux récits supplémentaires, Montefellone et Comment Blandin fut perdu, ont été écrits après la publication de Gagner la guerre. Initialement, en fait, le roman a été commencé dans le but de faciliter le placement des nouvelles.


Symphonie a écrit:

Janua Vera a-t-il été accepté rapidement, ou bien des éditeurs l'ont-il refusé ? Si oui, pour quelles raisons ?



Janua vera a été multirefusé. En fait, même si j'avais dès le départ pour dessein la composition d'un recueil centré sur un univers spécifique, certaines nouvelles ont été d'abord écrites pour répondre à des appels à texte. C'était le cas de Janua vera, Le conte de Suzelle, Jour de guigne et Le confident. A l'exception de Jour de guigne que je n'ai pas envoyée car je l'avais terminée hors délai, toutes ont été refusées. Quand j'ai enfin terminé la première version du recueil, j'ai passé un peu plus d'un an à essuyer des refus.
Certains de ces refus ont été cinglants ou cocasses. Sur le coup, je les ai souvent pris avec amertume. A présent, cela me fait rire – et je compte bien vous en faire profiter – mais je pense que si je n'avais pas percé, j'en aurais conservé quelque rancœur. Allez : quelques cocasseries. La nouvelle Janua vera a été rejetée par un anthologiste qui a commis une énorme impropriété dans sa lettre de refus. L'anthologiste (assez réputée à l'époque) qui a refusé Le conte de Suzelle m'a gratifié d'un long e-mail imprécatoire où elle s'offusquait que j'aie évoqué une paysannerie crottée dans un texte de fantasy et que j'aie osé y mettre du patois ! (En fait de patois, il s'agissait de quelques termes d'ancien français…) Une grande maison d'édition a aussi rejeté le recueil en m'envoyant le même jour deux exemplaires de la même lettre standard de refus. Sur le coup, ça casse bien ! Mais je crois que le plus drôle fut la réponse que j'ai reçue d'un éditeur quatre ans après l'envoi du manuscrit et un an et demi après sa publication…  *oo*
La principale raison qui a motivé ces refus, c'est que les nouvelles ne se vendent pas. Les éditeurs rechignent beaucoup à publier des recueils, a fortiori des recueils d'inconnus…


Symphonie a écrit:

– Pensez-vous écrire dans d'autres genres littéraires (y compris autres sous-genres de la fantasy) ?



J'ai failli répondre non, mais ce serait faux puisque j'ai écrit ce printemps une courte pièce de théâtre de sujet historique. Il s'agissait d'une commande du Centre Dramatique National de Nancy, qui voulait mettre en scène un texte sur le duc Stanislas Leszczynski à l'occasion du deux-cent-cinquantième anniversaire du rattachement de la Lorraine à la France. Ce texte, intitulé La petit coucher de Stanislas, mis en scène par Michel Didym et joué par Bruno Ricci, sera représenté en automne place Stanislas et au palais du gouvernement à Nancy. Je suis parfois attiré par le roman historique ; mais dans la mesure où ma fantasy est très historique, j'y satisfais déjà mon goût pour l'histoire.


Symphonie a écrit:

– Lisez-vous toujours, malgré le temps et l'énergie que vous prennent l'écriture ?



Oui, je lis toujours, je lis même pas mal. Beaucoup de documentation, bien sûr, mais aussi du polar historique, de la fantasy, un peu de littérature générale. Compte tenu de mes sujets, c'est quand même l'histoire, l'archéologie, l'histoire des religions et dans une moindre mesure la linguistique qui occupent l'essentiel de mes lectures.


Symphonie a écrit:

Merci d'avance pour vos réponses, j'espère que vous ne vous noierez pas sous les questions *:D*



Merci pour vos questions. En revanche, comme il se fait tard, je répondrai aux posts suivants demain.

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Foenidis a écrit:
Bonsoir Monsieur Jaworski, et encore mille mercis pour l'honneur que vous nous faites et le plaisir dont vous nous gratifiez en acceptant de vous égarer quelques instants en notre compagnie. *:D*


Bonjour Foenidis. Merci pour l'invitation !  *:D*

Foenidis a écrit:

Aux questions très pertinentes de mes camarades, j'ajoute une question sur votre style à la couleur si particulière. En aviez-vous les bases dès le départ ou est-ce plutôt le résultat d'une longue réflexion ?


En fait, c'est surtout le fruit d'une longue pratique. Comme j'écris depuis l'enfance, j'ai beaucoup procédé par imitation, souvent inconsciente. Je continue d'ailleurs à écrire par imprégnation. Ce n'est que parvenu à l'âge adulte que j'ai commencé à avoir une approche plus théorique du style, mais j'avais alors déjà une certaine personnalité stylistique, une sorte de pente, que j'ai toujours tendance à suivre spontanément. Ma réflexion porte plus souvent sur la diégèse et la structure du récit, c'est-à-dire la composition narrative, que sur la forme à proprement parler, où je suis ma sensibilité. Mais la narration et la situation énonciative des personnages induisent, naturellement, des choix de point de vue, de niveaux de langue, de registre, de rythme et de figures.

Foenidis a écrit:

Certains auteurs ont recours à des logiciels d'aide à l'écriture de plus en plus poussés, que pensez-vous de cette tendance à la "mécanisation" - et peut-être à terme à une certaine forme d'uniformisation - de l'écriture ?


Connaissant très mal ces outils, je ne me suis jamais posé la question. Il est probable, en effet, que ces pratiques produisent une certaine homogénéisation de l'écriture.

Foenidis a écrit:

Avez-vous vous même recours à certains de ces nouveaux outils ?


Il m'arrive d'utiliser un dictionnaire des synonymes en ligne. C'est le seul outil logiciel que j'emploie. En fait, je reste assez rétrograde dans ma façon de travailler. Je peste souvent contre les dictionnaires intégrés aux traitements de texte, qui ne reconnaissent pas les termes rares ou tombés en désuétude.  *;)*

Foenidis a écrit:

Je rejoins mon ami Akram pour vous encourager à continuer à nous entraîner en vos si beaux, si bons royaumes... pour ça et pour tout le reste, chapeau bas et encore merci, Monsieur Jaworski. ^_^


Merci beaucoup. Je m'efforcerai de ne pas vous décevoir. *oups*

descriptionInterview de Jean-Philippe JAWORSKI - Auteur publié EmptyRe: Interview de Jean-Philippe JAWORSKI - Auteur publié

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Plumedesable a écrit:

Bonsoir M.Jaworski


Bonjour Plumedesable.

Plumedesable a écrit:

J'ai découvert votre univers par hasard, en lisant le recueil Janua Vera, emprunté à la bibliothèque. Ce fut une telle révélation que plus tard, on m'a offert la très belle édition reliée, qui s'enrichit d'autres histoires... En fait le livre est si beau et j'ai tellement peur de l'abîmer que je ne l'ai pas encore lu en entier!
J'ai aussi l'édition limitée de Gagner la guerre.


L'avantage de ces gros volumes, c'est qu'ils peuvent aussi servir à fendre le crâne d'un cambrioleur.

Plumedesable a écrit:

J'étais curieuse de savoir comment vous travailliez à vos scénarios. Est-ce que vous les construisez à l'avance, comme font certains auteurs, ou êtes vous plutôt du genre à tout avoir plus ou moins en tête avant de vous mettre à l'écriture proprement dite?



Cela dépend du genre et du sujet. Pour les nouvelles, il me faut absolument l'accroche et la chute. Avec ces deux éléments, je construis le récit au fil de la plume.

Pour les romans, c'est plus variable. J'ai procédé pour Gagner la guerre comme pour une nouvelle. J'avais au départ mon premier chapitre (qui est d'ailleurs en soi une nouvelle, avec une chute assez brutale) et le premier jet d'une scène du dernier chapitre. J'avais également un projet d'ensemble, qui était moins un scénario qu'un certain nombre d'objectifs thématiques (créer un roman de renaissance fantasy qui soit une sorte d'apologue de la pensée de Nicolas Machiavel) et certaines ambitions narratives (en gros, jouer avec mon public, mais aussi lui en donner pour son argent).
En ce qui concerne le cycle Rois du Monde, je dispose d'un plan qui couvre l'ensemble des romans. J'avais déjà la fin, puisqu'elle m'a été donnée par le livre V de l' Histoire romaine de Tite-Live. Mais pour en arriver à cet objectif, il a fallu que je construise tout le scénario des enfances et du parcours de Bellovèse avant qu'il ne franchisse les Alpes. Dans la mesure où la narration n'est pas chronologique, il fallait en outre que j'aie une idée assez claire de la vie du personnage avant de déstructurer son récit. Cela demande donc un plan. Toutefois, ces romans étant une entreprise de longue haleine, leurs horizons d'attente évoluent au fil de la composition, ce qui amène régulièrement des aménagements au scénario.

Plumedesable a écrit:

En ce qui concerne le travail sur le style, êtes-vous un peu comme Flaubert, un perfectionniste qui retravaille minutieusement son premier jet, avec une attention parfois obsessionnelle à la portée de chaque virgule, chaque mot? Ou pas du tout, ou un peu parfois, et parfois peu?


Je suis bien loin d'avoir le génie de Flaubert, mais je me reconnais bien dans sa méthode. Un vrai tâcheron. Je me documente énormément ; je dresse un dossier préparatoire, abondamment complété en cours de composition ; j'écris lentement et je reviens plusieurs fois sur mes pages d'écriture. J'avoue que, par pudeur (et par manque de temps), je passe rarement mes textes au gueuloir, mais que cela me tente de plus en plus, car il n'y a rien de tel pour entendre la phrase bancale.

Plumedesable a écrit:

Et sinon... hé bien, merci d'avoir pris le temps de lire ces questions :)


Merci pour votre intérêt. *:D*

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Plumedesable a écrit:

À propos de l'importance de la régularité et de la nécessité d'avoir un travail alimentaire, une question un peu personnelle, en tous cas très peu littéraire *lol*  : à quel moment de la journée préférez-vous écrire?


Quand j'ai le temps, j'aime bien écrire le matin et en fin d'après-midi.
En période scolaire, c'est râpé pour le matin, puisqu'en général j'ai cours. J'écris donc plutôt en fin d'après-midi et/ou en début de soirée.

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barla a écrit:

Bonjour monsieur Jaworski


Bonjour, chère compatriote.

barla a écrit:
Je me permets juste de vous passer un petit bonjour lorrain, et également de vous transmettre les salutations d'un de vos anciens élèves (de ce qu'il m'a raconté, c'est vous qui, en classe, lui avez fait découvrir la fantasy, mais aussi une initiation aux jeux de rôle).


D'après ce que vous me dites, c'est un très ancien élève, que j'ai dû avoir au siècle passé. Vous m'en dites trop ou pas assez. Si cela ne vous dérange pas, pourriez-vous satisfaire ma curiosité et me donner son nom par message privé ?

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SmilingOwl a écrit:
Bonjour Jean-Philippe Jaworski


Bonjour SmilingOwl.

SmilingOwl a écrit:

J'aimerais savoir quel est le ressort initial qui vous pousse à choisir un sujet, pour vos nouvelles et romans. S'agit-il de faits puisés dans la réalité? de sources issues des œuvres d'autres auteurs? d'idées personnelles que vous souhaitez illustrer à travers la SFFF? ou autre chose?


C'est un panachage de tout cela.

Le cycle du Vieux Royaume vient, initialement, d'une polémique sur l'usage qu'on pouvait faire des règles de Donjons & Dragons. J'avais créé ce qui était à l'origine un univers de campagne pour faire la démonstration qu'avec D&D, on pouvait faire autre chose que du Porte-Monstre-Trésor décérébré. Par la suite, les sujets des nouvelles et de Gagner la guerre ont été nourris de nombreuses influences littéraires (Borges, Tolkien, Pratchett, Beaumarchais, Giono, Machiavel, Hugo, pour n'en citer que quelques-unes), de nombreuses influences historiques et ne sont pas dépourvus de quelques opinions plus personnelles.

Le cycle Rois du Monde tire ses origines de mon émotion quand j'ai visité, encore très jeune, un oppidum du Ve siècle avant notre ère. J'ai ensuite eu l'occasion de faire un peu d'archéologie sur des sites du premier âge du fer, ce qui m'a confirmé dans l'idée qu'il y avait là un sujet quasiment inexploité dans le domaine romanesque. La composition des romans s'est ensuite abondamment nourrie de références savantes (historiques, archéologiques, linguistiques) et littéraires, dans la mesure où j'ai exploité la littérature irlandaise, gaélique et la matière de Bretagne pour essayer de reconstituer ce qu'avait pu être la culture celtique continentale de l'Antiquité. Par une tragique ironie, l'actualité est en train de me rattraper dans la composition de ce cycle. Le sujet de Rois du Monde, c'est le récit des origines de la première migration celte vers la Méditerranée. En croisant les (rares) sources historiques, le basculement du premier au second âge du fer (dont l'archéologie nous dit qu'il a été marqué par une militarisation de la société et un éclatement des sociétés princières) et des événements ultérieurs, j'ai fini par déduire que seuls de terribles troubles avaient conduit les Celtes à conquérir le nord de l'Italie. La situation actuelle du Proche Orient vient étayer tragiquement cette hypothèse…

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Bonjour Monsieur Jaworski. Tout comme mes camarades avant moi, je vous remercie de nous gratifier de votre visite. Je tiens aussi à vous féliciter pour vos œuvres que j'ai lu et qui m'ont particulièrement plu. Gagner la Guerre et les deux tomes de Rois du monde sont différents, mais ils sont tous deux très réussis. 

J'espère aussi ne pas arriver trop tard (un peu quand même ^^) auquel cas je m'en excuse. 

Mes camarades étant passé avant moi et ayant posé déjà pas mal de questions, j'en poserai assez peu. Je vous remercie déjà de prendre le temps de répondre à mes questions. 

Mes premières interrogations se portent sur votre intérêt (ou passion sans doute ^^) pour l'histoire. J'aurai voulu savoir comment vous est venue cet intérêt pour l'histoire ? Est-ce venu tôt ? Et est-ce qu'une personne en particulier vous a transmis ce goût pour l'histoire ? 

Ensuite, toujours à propos de l'histoire. Personnellement, je trouve qu'allier les deux passions pour l'Ecriture et l'Histoire, les "coupler" en quelque sorte, est quelque chose de fantastique et de vraiment enrichissant. L'Histoire et la littérature aussi qui y est liée (j'ai cru voir traîner Tite-Live ^^) nourrissent l'imaginaire et peuvent donner des idées pour des scénarios, pour le développement d'un univers. Ressentez-vous aussi cette émulation entre Histoire et Ecriture ? 

Je vous remercie encore de passer par ici et de répondre à nos questions, c'est vraiment très sympathique ! Continuez à écrire ainsi, votre plume est unique et vous nous faîtes voyager dans d'autres mondes et c'est génial *:)*

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Sarmate a écrit:
(...) J'ai procédé pour Gagner la guerre comme pour une nouvelle. J'avais au départ mon premier chapitre (qui est d'ailleurs en soi une nouvelle, avec une chute assez brutale) et le premier jet d'une scène du dernier chapitre. J'avais également un projet d'ensemble, qui était moins un scénario qu'un certain nombre d'objectifs thématiques (créer un roman de renaissance fantasy qui soit une sorte d'apologue de la pensée de Nicolas Machiavel) et certaines ambitions narratives (en gros, jouer avec mon public, mais aussi lui en donner pour son argent).


C'est gagné pour ce premier chapitre de Gagner la guerre (pardon pour le mauvais jeu de mots ^^), j'ai été bluffée par le retournement de situation de la fin de ce premier chapitre, on va dire que le narrateur est un habile manipulateur :)

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Svanhilde a écrit:
Bonsoir M. Jaworski


Bonjour Svanhilde.

Svanhilde a écrit:

Je voulais vous féliciter pour votre succès, et vous remercier, à la fois d'être aussi disponible, mais aussi pour ces excellents moments de lecture et d'évasion que vous nous avez offerts et que vous nous offrirez.
Je n'ai pas encore eu le temps de me pencher sur votre cycle celtique (qui attend sagement dans ma bibliothèque), mais j'ai déjà dévoré Janua Verra (deux fois) et Gagner la guerre, que je n'hésite jamais à recommander. Et si Aedan figure parmi mes favoris (avec ces descriptions de paysages noyés de brume et de pluie : magnifiques !), c'est la petite Suzelle qui m'a le plus émue, et je vous remercie là encore pour ce très beau conte.


Merci pour ces retours de lecture. La pauvre Suzelle, en effet… Il faut vraiment avoir mauvais esprit pour placer ce personnage flaubertien sur le chemin d'un elfe !

Svanhilde a écrit:
Je suis un peu surprise par vos propos concernant une certaine dissociation de lectorat entre vos deux cycles : dans quelle mesure sont-ils différents ? Est-ce plutôt à cause des thèmes / époques abordés ; de l'écriture ?


Un peu des deux, je pense.
Les deux cycles n'appartiennent pas à la même fantasy. Le Vieux Royaume, malgré ses sources d'inspiration historiques, relève d'une fantasy très canonique. Gagner la guerre est plein d'humour, possède un style mordant en partie influencé par le roman noir, ainsi qu'une narration strictement linéaire mais aussi très feuilletonesque.
Rois du Monde relève d'une fantasy plus mythologique. Il est lyrique, sans beaucoup d'humour, et sa narration est assez exigeante. Elle n'est ni linéaire ni feuilletonesque, mais en rinceaux, pour imiter l'esthétique celtique et certains procédés narratifs qu'on trouve, par exemple, dans les contes gallois du Mabinogi. En outre, j'ai voulu (essayer d') éviter tout développement didactique dans ce cycle, tout en immergeant le lecteur dans une société ancienne. Certains amateurs de fantasy canonique sont désarçonnés par ces partis-pris. A l'inverse, les celtophiles sont souvent frappés par Rois du Monde, dans lequel ils voient une reconstitution vivante d'une civilisation sur laquelle nous n'avons que des bribes. C'est pour ces raisons que j'estime avoir deux lectorats : une partie de mon public apprécie les deux cycles, mais certains ont décroché devant Rois du Monde, et d'autre estiment Rois du Monde bien plus abouti que les textes du Vieux Royaume.

Svanhilde a écrit:

Et était-ce voulu de votre part de vous adresser à un lectorat légèrement différent, ou cela s'est-il simplement fait ?


Ce n'était pas délibéré de ma part, mais compte tenu des grandes différences entre ces deux cycles, j'étais d'emblée conscient qu'ils ne s'adresseraient pas exactement au même public.

Svanhilde a écrit:

Merci de vos réponses, et mon petit cœur de lectrice est ravi d'avoir pu vous exprimer toute sa reconnaissance !


Merci à vous ! J'en suis très touché.

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Sarmate a écrit:
Le sujet de Rois du Monde, c'est le récit des origines de la première migration celte vers la Méditerranée. En croisant les (rares) sources historiques, le basculement du premier au second âge du fer (dont l'archéologie nous dit qu'il a été marqué par une militarisation de la société et un éclatement des sociétés princières) et des événements ultérieurs, j'ai fini par déduire que seuls de terribles troubles avaient conduit les Celtes à conquérir le nord de l'Italie. La situation actuelle du Proche Orient vient étayer tragiquement cette hypothèse…

J'ignorais ces éléments historiques à propos des Celtes. Mais il me revient à l'esprit que les grandes invasions des nomades de l'Asie orientale (Huns, Mongols, ...) avaient souvent pour origine le fait que ces peuplades étaient elle-mêmes chassées de leurs terres et amenées à migrer, avec comme conséquence un effet domino.

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Ah que je suis content de lire ces lignes !

Merci vraiment, Monsieur Jaworski, d'avoir répondu aux questions pertinentes de mes camarades de l'Orée. Vous nous donnez ici de précieux conseils et de belles leçons pour des écrivants !

Je me joins à Svanhilde pour la reconnaissance, Gagner la guerre a été un de mes grands chocs littéraire, et je vous remercie encore pour cela.
Et j'adore vraiment les Roi du monde, j'ai une grande hâte de lire la suite des aventures de Bellovèse.

Quelques questions quand même :

Aurons-nous un jour la chance de vous voir écrire dans la Renaissance française et faire vivre quelques aventures à la Te Deum pour un massacre ? Ou même imprégner cette période historique d'un peu de fantasy et de magie ?

Après, la grande question mais j'imagine que je ne suis pas le seul à la poser :

Est-ce que ce diable de Benvenuto, qui vous a hanté quelques années semble-t-il, reviendra un jour avec sa gueule cassée et ses beaux chicots en or ?

Merci encore pour les heures de lecture et de relecture que vous m'avez offertes, et au plaisir de continuer à vous lire pendant longtemps !

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Antios a écrit:
Bonjour Monsieur Jaworski. Tout comme mes camarades avant moi, je vous remercie de nous gratifier de votre visite. Je tiens aussi à vous féliciter pour vos œuvres que j'ai lu et qui m'ont particulièrement plu. Gagner la Guerre et les deux tomes de Rois du monde sont différents, mais ils sont tous deux très réussis. 


Bonjour Antios. Merci pour ces retours de lecture. *:D*

Antios a écrit:
Mes premières interrogations se portent sur votre intérêt (ou passion sans doute ^^) pour l'histoire. J'aurai voulu savoir comment vous est venue cet intérêt pour l'histoire ? Est-ce venu tôt ? Et est-ce qu'une personne en particulier vous a transmis ce goût pour l'histoire ? 


Oui, ce goût m'a été donné très tôt par ma famille. Mes parents étaient amoureux des vieilles pierres et j'avais un oncle qui dévorait ouvrages et biographies historiques. Ils m'ont inoculé le virus.
Plus tard, d'ailleurs, un prof d'histoire de khâgne se désolait que j'aie choisi une spécialité lettres et non une spécialité histoire.

Antios a écrit:

Ensuite, toujours à propos de l'histoire. Personnellement, je trouve qu'allier les deux passions pour l'Ecriture et l'Histoire, les "coupler" en quelque sorte, est quelque chose de fantastique et de vraiment enrichissant. L'Histoire et la littérature aussi qui y est liée (j'ai cru voir traîner Tite-Live ^^) nourrissent l'imaginaire et peuvent donner des idées pour des scénarios, pour le développement d'un univers. Ressentez-vous aussi cette émulation entre Histoire et Ecriture ? 


Et comment ! Constamment. En fait, sur le plan du scénario, je suis beaucoup plus souvent séduit, surpris ou enthousiasmé par des ouvrages historiques que par des ouvrages de fiction. Par ailleurs, l'analyse littéraire d'œuvres passées apporte un certain nombre de perspectives historiques. La circulation entre histoire et fiction est réciproque : l'histoire fournit quantité de sujets, de situations, de contextes, de personnalités ; la fiction ancienne devient souvent source historique, pas seulement par son contenu, mais aussi en raison des contingences socio-culturelles qui lui ont donné son esthétique et son interaction avec la société. Tout cela est très stimulant pour l'imaginaire.

Antios a écrit:
Je vous remercie encore de passer par ici et de répondre à nos questions, c'est vraiment très sympathique ! Continuez à écrire ainsi, votre plume est unique et vous nous faîtes voyager dans d'autres mondes et c'est génial *:)*


Merci pour votre enthousiasme, j'en suis très touché.

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Oui, ce goût m'a été donné très tôt par ma famille. Mes parents étaient amoureux des vieilles pierres et j'avais un oncle qui dévorait ouvrages et biographies historiques. Ils m'ont inoculé le virus.
Plus tard, d'ailleurs, un prof d'histoire de khâgne se désolait que j'aie choisi une spécialité lettres et non une spécialité histoire. 

C'est super d'avoir une famille qui apprécie l'histoire et qui est attachée au patrimoine. Ils vous ont donné un virus, mais il est assez sympathique, ça va ^^

C'est vrai que les études d'histoire sont passionantes. Après, le fait que vous ayez choisi une spécialité lettres vous a aussi beaucoup appris je suppose, en plus que cette spécialité se rapproche parfois de l'histoire et y est intimement liée aussi. 

Un grand merci en tout cas ! Une intervention très enrichissante.

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