Haha oui cette histoire est vraiment digne de la publication
Précédemment, dans l'Orée des Conteurs :
Un éclair bleu déchira le ciel, au moment où la cavalière encapuchonnée arrêtait son cheval fou d'une secousse. Elle leva un œil inquiet, et vit ses peurs se confirmer : les cieux peinaient à se refermer. Derrière le tourbillon sombre des nuages, la couleur cuivre qu'elle craignait tant avait embrasé le firmament. Par habitude, ses lèvres psalmodièrent la prière du dieu-sans-bras, en vain, elle le savait : au matin, ceux d'en haut seraient là. Les yeux lumineux de la cavalière s'étrécirent, car elle connaissait le sort qui serait bientôt réservé aux mortels.
S'arrachant à la contemplation de la faille céleste qui continuait de s'ouvrir, elle jeta son cheval dans un galop éperdu, à la recherche d'un abri. La forêt qui l'environnait devenait plus sinistre, plus sombre, plus menaçante, prête à attaquer à la moindre embardée hors du chemin. Autour de la cavalière, les feuilles bruissaient, telles des âmes tourmentées, rappelant des prières anciennes et des massacres oubliés.
Un second éclair illumina la forêt, dévoilant au sein des ténèbres l'entrée béante d'une grotte. Alia avait entendu des villageois en parler : ce serait la demeure du terrible dragon Foenidis. Une brume diaphane flottait en ondes serpentines avec une majesté pour ainsi dire divine devant l'antre sous les nuages en rage. La grotte éructa un grondement puissant et sauvage, comme en écho au tonnerre. Était-ce le dragon au feu malsain et au souffle tout aussi méphitique que son haleine ? Ou simplement le gargouillement glauque d'un torrent des torrents qui coulerait au travers de la montagne et rejaillirait au fond de ce gouffre à l'allure infernale ?
Un claquement effroyable électrisa les sens de la cavalière alors que sa monture effrayée bondissait vers l'antre, propulsée par le choc de la foudre tombée non loin derrière sa croupe. Alia baissa la tête pour éviter les stalactites et mania habilement son cheval dans la grotte veinée d'eau luminescente. La tanière du dragon exhalait une aura hiératique, comme si les esprits eux-mêmes y avaient élu leur demeure. La jeune femme sentait son cœur battre à tout rompre, consciente du danger encouru, aussi caressa-t-elle l'encolure de son destrier afin de se rasséréner. Cependant, se jettera-t-elle dans cette géhenne, où mille guerres se sont déroulées, où nulle haine n'a triomphé ?
L'écho de la menace qu'elle s'évertuait à combattre constituait un bien trop grand danger pour qu'elle ne s'y risquât pas. La cavalière saisit son arc et cueillit une flèche du carquois qui battait dans son dos. Poussée par son devoir plus que par son courage, elle s'enfonça plus avant dans l'antre de ses cauchemars. L'Orée des Conteurs n'aurait été qu'une légende, une fable stupide, presque rien. Où se situaient ces noms mythiques parmi ces arbres calcinés, leurs magies créatrices sur cette terre brûlée ? Elle ne respirait plus ; elle étouffait. Elle n'inspirait qu'à demi dans ce monde en ruine.
Alors qu'Alia perdait espoir, les illusions qui l'aveuglaient s'effilochèrent et face à elle se tint le dragon, Foenidis, antique créature, vestige immuable d'un monde perdu. Tant de poèmes, tant de vers, tant de récits légendaires avaient jadis tenté de capter le caractère majestueux de ces créatures oubliées, mais aucune n'avait su décrire fidèlement l'essence souveraine de ce que les yeux d'Alia contemplaient en cet instant.
La jeune guerrière frissonna. Il était temps pour elle d'affronter son destin, venu à elle sous la peau de la plus puissante des créatures que le monde ait jamais porté, un dragon.
Plus haute que le grand mât d’un navire de guerre, plus sombre que le plus obscur des tombeaux du Yòrh, la créature l’attendait, silencieuse et immobile, dans une vaste grotte éclairée par les rigoles d'eau lumineuse qui remontait vers leur source. Ses prunelles s'illuminèrent d'une lueur plus ardente qu'un brasier ; sa gueule se para d'un sourire empreint de malice.
La bête approcha sa tête immense de la cavalière tétanisée, mais au lieu de la dévorer aussitôt, elle prit la parole, d'une voix étonnamment féminine :
— Quelle est donc la malheureuse qui ose souiller mon palais et troubler ma quiétude ?
Un soupir caverneux exhala deux hautes fumerolles des naseaux du vénérable animal. Les relents de frayeur et de colère entrés avec la jeune fille empuantissaient sa retraite, qu'est-ce que ce rat galeux de sorcier avait bien pu inventer pour empoisonner la fragile raison des hommes ? Le corps tremblant d'émotions contradictoires, la cavalière descendit de selle et s'inclina avec déférence.
— Je suis Alia, fille de l'Orage et d'une prêtresse humaine du mont Dorka, et je viens vous offrir mon offrande.
La jeune femme se coupa l'intérieur de la main avec la pointe de sa flèche, puis glissa sa paume ensanglantée le long des branches de son arc.
— Garde ton sang petite idiote, rétorqua la dragonne, il est précieux pour vous autres les humains. Dis-moi plutôt la véritable raison de ta venue.
Le cerveau d'Alia se mit à réfléchir à toute allure. Il convenait de choisir ses mots avec soin : une phrase de travers et elle finirait rôtie comme les poulets de Grand-Pa'. Cette perspective ne l'enchantait guère ! La dragonne n'avait rien d'un perdreau de l'année. Elle en avait déjà vu des emportés, des enflammés, des ingénus, des éperdus, et ses sens surhumains percevaient les pulsations du jeune cœur emballé, le souffle mal contenu de la jeune fille affolée. Aussi la montagne de force et d'écailles choisit-elle de se coucher posément, col souple et tête penchée en signe d'apaisement.
Ses yeux s'éclaircirent :
« Bienvenue sur le forum ! Un café, du thé, des biscuits ? N'oublie pas de lire l'épitaphe de l'entrée pour connaître les règles, toussa ! En espérant que tu t'y plaises ! Viens, petite fille, que je te montre le chemin ! »
— Oh vénérable dragonne Foenidis ! clama la guerrière, d'une voix de tonnerre. J'ai voyagé par monts et par vaux en quête de votre antre sacré, dans l'espoir utopique de gagner vos faveurs. Je n'ai point ignoré les règles de votre épitaphe pompeuse, car j'ai ouï dire que l'Orée des conteurs, votre divin royaume, faisait bon accueil aux gens de mon espèce. Pardonnez cependant l'étendue de mon ignorance, mais je crains de ne posséder d'entendement assez éclairé pour comprendre la signification de termes aussi rares et curieux tels que 'flood' et 'topic'.