A Reims, les maisons en béton 3D sont sorties de terre
https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/06/13/a-reims-les-maisons-en-beton-3d-sont-sorties-de-terre_6130061_3234.html?xtor=EPR-33281090-[cities]-20220613&M_BT=41906074118043Avec cette technique, au coût plus élevé qu’une pose traditionnelle, le chantier est plus propre, plus rapide et moins pénible.
Par Emeline Cazi
Publié aujourd’hui à 06h15, mis à jour à 08h54
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L’emménagement de Rochdi Zardi, 60 ans, dans l’une des cinq maisons qui bordent l’écoquartier de Reims, dans la Marne, marque d’abord une petite victoire personnelle : depuis plus d’un an, cet ancien gérant de supermarché cherchait un logement adapté au handicap de sa femme, en fauteuil roulant. Au début du mois de juillet, il quittera un 4e étage pour un plain-pied avec terrasse et jardin. Mais le nouveau départ de cette famille fait aussi la fierté du bailleur social Plurial Novilia, de la jeune pousse XtreeE, et de toute une équipe qui, après plus de quatre années passées à courir après des avis techniques et des certifications, viennent de remettre les clés des cinq premières maisons en béton imprimées en 3D de France.
Ces jours-ci, les visites se multiplient avant l’arrivée des locataires. Il s’agit de montrer à la profession ce que permet cette nouvelle technologie. L’innovation s’observe côté sud. De forme courbe, laissés à l’état brut, les murs, non porteurs, du salon et des deux chambres sont faits d’un empilement de cordons gris clair de béton posés à l’horizontale. Ce sont ces murs qui ont été « imprimés » par un robot, à 170 kilomètres de là, dans le hangar de la start-up XtreeE à Rungis (Val-de-Marne), puis acheminés par camion jusqu’à Reims, assemblés à l’aide d’une grue, avant d’être doublés de laine de roche.
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L’équipe vante une économie de matière et l’absence de déchets. Le chantier est surtout plus propre, plus rapide, moins pénible et s’inscrit dans le cadre de ce regain d’intérêt pour la construction hors site, dont l’âge d’or reste l’après-guerre, avec l’avènement du préfabriqué. Grâce à cette technique, dont le coût reste 25 % plus élevé qu’une pose traditionnelle, les maçons ne portent plus leur tonne quotidienne de parpaings, sable et mortier ; le robot fait tout. Jérôme Florentin, directeur de la maîtrise d’ouvrage chez Plurial Novilia, y voit un moyen de revaloriser les métiers du bâtiment.
Sur ce projet, trente-cinq murs, tous différents, mais hauts et larges de 3 mètres en moyenne, ont été réalisés. Comptez cinq heures pour le plus grand. « On sait imprimer cinq à sept murs par semaine, donc une maison par semaine. C’est tellement rapide que même le chantier n’arrive pas à suivre », explique Alain Guillen, le directeur d’XtreeE, dans le hangar de Rungis.
La difficulté a été de trouver la bonne texture, la bonne formulation, pour que le fil de béton qui sort de la tête d’impression soit suffisamment fluide mais sèche aussi en un temps record afin qu’il ne s’affaisse pas sous son propre poids quand le robot, guidé par un bras mécanique, dépose le cordon suivant, moins d’une minute après.
A l’origine de tout cela, un projet de fin d’études mené par une quinzaine d’élèves de l’Ecole d’architecture Paris-Malaquais, il y a un peu plus de cinq ans. Désormais, leur robot s’exporte partout sur la planète. On en trouve dans des laboratoires universitaires aux Etats-Unis, à l’Ecole des Ponts, à Paris, dans des usines de préfabrication au Japon, en Chine, à Dubaï. Ils n’impriment pas seulement des murs de pavillon.
En France, ils ont moulé des récifs sous-marins, désormais immergés au large du cap d’Agde (Hérault) et de Monaco, où la faune et la flore ont trouvé refuge ; des pieds de table Roche Bobois ou encore des bancs et des pots de fleurs. D’ici aux Jeux olympiques de 2024, une passerelle de 40 mètres imprimée en béton 3D doit enjamber le canal Saint-Denis, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Une deuxième, un peu moins longue, est en cours de construction au-dessus d’un ruisseau dans l’Hérault. Le béton n’est pas non plus l’unique matériau utilisé. De la terre, du plâtre peuvent sortir de la tête d’impression.
Après ces cinq maisons livrées, Plurial Novilia, qui gère 36 000 logements sociaux en Champagne-Ardenne et dans l’est de l’Ile-de-France, et en construit 1 200 par an, ne compte pas s’arrêter là. Il réfléchit à construire plus haut. Un projet d’immeuble de deux étages et quinze logements est dans les cartons, mais, cette fois, les murs seront imprimés directement sur le chantier.
Des caniveaux à la Lune, l’essor du béton impriméhttps://www.lemonde.fr/economie/article/2018/11/07/des-caniveaux-a-la-lune-l-essor-du-beton-imprime_5380071_3234.htmlPar Grégoire Allix
Publié le 07 novembre 2018 à 11h24 - Mis à jour le 07 novembre 2018 à 11h24
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Des réseaux d’égouts à l’exploration spatiale en passant par les fonds sous-marins, les recherches autour des imprimantes 3D à béton dépassent largement la construction de maisons. « On est en train de découvrir toutes sortes d’applications où le béton imprimé répond au besoin de pièces uniques, réalisées avec une très grande précision et dans des délais courts », explique Alain Guillen, cofondateur de XtreeE.
Au printemps, cette start-up francilienne, en pointe sur le sujet, s’est associée à Point P Travaux publics et à l’entreprise de réseaux Sade pour concevoir et poser des regards d’assainissement imprimés en béton, pour un réseau d’égouts de la métropole lilloise datant du XIXe siècle. Les relevés laser et l’impression 3D ont permis d’adapter les pièces au millimètre près aux structures anciennes. L’année précédente, les mêmes acteurs avaient réalisé et installé dans des canalisations non loin de Lille un imposant déversoir d’orage de 15 tonnes.
« En France, 100 000 de ces équipements d’assainissement sont installés chaque année, or ce sont souvent des pièces uniques, coulées sur place, qui nécessitent d’immobiliser la voirie pendant trois semaines. Avec l’impression 3D, c’est trois fois plus rapide », observe M. Guillen.
Un récif corallien
Des infrastructures plus visibles pourraient suivre : mobilier urbain, passerelles… Depuis octobre 2017, les cyclistes peuvent traverser un pont imprimé en 3D à Gemert, aux Pays-Bas. Réalisé par l’Université de technologie d’Eindhoven, le pont de 8 mètres de long a été imprimé en six tronçons identiques. Les 800 couches de béton, renforcées par un câble en acier glissé à l’intérieur, sont censées supporter une charge de 5 tonnes.
XtreeE et Seaboost, une filiale d’Egis, ont aussi conçu un récif corallien artificiel, immergé au printemps dans le Parc national des calanques, à Marseille. Ses plis et replis de béton imprimé veulent recréer la complexité du corail pour abriter poissons, crustacés et mollusques. Aux dernières nouvelles, une espèce rare de mérou gris y a élu domicile.
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Dans un milieu encore plus hostile, la Lune pourrait être la prochaine frontière de l’impression 3D. L’Agence spatiale européenne (ESA) a réuni en 2013 un consortium, emmené par la prestigieuse agence d’architecture britannique Foster + Partners, pour étudier comment utiliser l’impression 3D pour construire une base lunaire. Des maquettes et des tests ont été effectués, avec des essais d’impression dans le vide sidéral. Sur le papier, le premier village lunaire en 3D est prêt à être imprimé.
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