Les Éditions Black Rabbit visent à créer et donner vie à des univers ludiques autour des littératures de l’Imaginaire et des jeux de société.
Dirigées par Guillaume Suzanne, qui porte la double casquette d'auteur et éditeur, les éditions BLACK RABBIT débutent aujourd'hui avec l'Orée des Conteurs un partenariat que nous espérons long et fructueux !
(Un grand merci à Lemmingway de nous avoir mis en contact ! )
Pour vous présenter cette jeune maison d'édition, son fondateur a bien voulu se plier au jeu des questions-réponses.
Bienvenue donc à nos nouveaux amis, et bonne lecture à tous
– Pouvez-vous nous présenter Black Rabbit en quelques mots ?
Black Rabbit est une jeune maison d’édition créée en 2022 autour de Guillaume SUZANNE. Elle rassemble deux passions créatives : la littérature d’Imaginaire et les jeux de société.
– Quelle est votre ligne éditoriale ?
La ligne éditoriale est l’Imaginaire au sens large et le format court. Nous publions et publierons exclusivement des novellas, des anthologies et des recueils de nouvelles en SF, fantastique et fantasy. Certains textes relevant davantage du domaine des contes ou des fables pourront également voir le jour.
– Quelle est la motivation qui vous a amené à fonder Black Rabbit ?
Côté jeux de société, m’est venue en 2020 l’envie de créer des jeux. Pour moi, c’est une autre façon de raconter des histoires. J’aime surtout les jeux legacy, qui évoluent de partie en partie. Mes gros coups de cœur sont Charterstone, My City, Clank! Legacy, Machi Koro Legacy, Fabulosa Fructus. Mon premier prototype Rainbow Rush a été sélectionné pour le Prix Ludinord catégorie Famille en 2022 et mon deuxième McAbee’s Collectionneurs de l’Étrange a été entièrement illustré par Zariel et fait l’objet d’un tirage limité pour présentation aux éditeurs.
Au niveau littérature, ça fait 20 ans que j’écris des textes d’Imaginaire, essentiellement sous format court. J’ai publié des nouvelles chez Rivière Blanche, Éons, Parchemins & Traverses, Mille saisons, Malpertuis, Sombres Rets et Dreampress.com (Ténèbres) et des romans courts (mais j’y reviendrai).
J’avais envie de mettre en place une identité, une marque qui permette de rapprocher les deux types de créations : Black Rabbit été née.
À la base, il y a l’envie de (re)trouver un débouché pour des textes courts (nouvelles et novellas). J’ai publié mes premiers écrits solo chez Griffe d’Encre, une maison d’édition d’Imaginaire fondée par Magali Duez et Menolly en 2007. Il existait chez eux une collection réservée aux textes courts (novellas). Malheureusement, Griffe d’Encre a cessé son activité en 2016, laissant derrière elle des lecteurs et des auteurs désemparés (et je faisais partie des deux !)
– En quoi pensez-vous que Black Rabbit soit en mesure de se démarquer des autres éditeurs ?
J’ai peut-être tort, mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de maison d’édition qui donnent la priorité aux textes courts en format papier. On a vu fleurir de nombreuses maisons d’édition « numériques » qui proposent éventuellement des textes courts, mais pas seulement. Pourtant, leur potentiel reste à mon avis très important et inexploité. C’est un format qui permet l’expérimentation, très actuel.
Il y a toujours des lecteurs qui regardent les romans courts comme des œuvres manquant d’ambition ou inachevées. En tant qu’auteur amateur, je n’ai tout simplement pas le temps d’écrire des pavés de 800 pages et d’ailleurs, ça ne m’intéresse pas. Et en tant que lecteur, je n’ai pas non plus le temps de lire des pavés de 800 pages !
Le format novella est très adapté aux amoureux de la lecture qui ont un temps restreint à y consacrer ou qui ont tout simplement envie de découvrir des univers variés en peu de pages. J’écris et je publie ce que j’aime lire, tout simplement. En tant qu’auteur, on peut plus aisément aller à l’essentiel. Les descriptions m’emmerdent (quand je les lis) et je n’aime pas les écrire non plus.
Je crois aussi que j’aime cacher des choses dans l’intrigue, en creux, permettre au lecteur de comprendre des éléments par ce qui n’est pas explicité plutôt que de tout expliquer, et c’est plus facile sur un format court.
Enfin, j’essaie d’écrire « drôle ». Et c’est assez rarement digeste quand c’est trop long.
– Combien de livres publiez-vous chaque année ? À combien d’exemplaires ?
L’objectif est de tenir un rythme lent mais régulier de parution et de tenir dans la durée. Je dirais donc pour l’instant entre 1 et 2 livres par an, ce serait déjà très bien.
Lorsque Griffe d’Encre s’est arrêtée, cela a représenté la fin d’une superbe aventure pour les éditrices, les auteurs et les lecteurs, mais aussi une perte importante de temps pour moi : j’avais une novella à paraitre, ainsi qu’une nouvelle pour une anthologie, réservées toutes deux depuis plusieurs années. Je ne veux pas reproduire le même schéma et tomber dans un rythme de parution que je n’arriverai pas à suivre avec un étalement des publications dans le temps.
Le prix à payer, c’est de rester petit ; le gain, c’est de rester en vie.
Le nombre d’exemplaires dépend de la demande. En premier tirage sur Mort comme au premier jour, nous étions à 200.
- Quels sont vos moyens de diffusions privilégiés ? (salons, internet, présence en librairie...)
Nous organisons systématiquement une campagne de financement participatif de type Ulule pour lancer chaque ouvrage. Principalement pour donner une vitrine et parler de la sortie. Ensuite, l’intérêt est de pouvoir ajuster le premier tirage en fonction des précommandes.
Nous essayons de participer à plusieurs salons dans l’année ; majoritairement dans la moitié nord de la France. C’est compliqué du fait de notre petite taille et parce que ce n’est pas notre activité principale et qu’elle est exercée bénévolement.
Nous sommes présents sur Internet avec notre site, facebook et instagram.
À notre échelle, une présence en librairie est impossible à assumer. Je le regrette mais les principes du dépôt-vente, des retours possibles plusieurs mois après, et de la marge libraire, font que c’est tout simplement impossible à rentabiliser pour une microstructure comme Black Rabbit. Je ne parle même pas de gagner de l’argent. Je parle juste de ne pas en perdre. Il y a un gap à franchir car c’est un équilibre délicat entre : le tirage qui impacte le coût unitaire (et le coût tout court), la mise en avant en librairie qui demande un tirage « important » et le coût logistique (stockage et acheminement).
En revanche, nous travaillons volontiers avec les bibliothèques et les ludothèques.
– Existe-t-il des périodes privilégiées pour vous soumettre une nouvelle / un manuscrit ?
Pour l’instant, je me concentre sur les appels à textes : j’aimerais en tenir 1 par an et que la publication ne traine pas ensuite pendant 10 ans.
Je ne suis néanmoins pas fermé à recevoir et étudier des novellas. Je pense qu’il est préférable qu’un auteur susceptible de vouloir nous proposer quelque chose prenne contact avant pour être certain que ni lui ni nous ne perdions notre temps.
Quant au prochain appel à textes, il paraitra pour le dernier trimestre 2023 . Il s’éloignera un peu du thème du premier, mais pas tant que ça. Je vous révèlerai les détails en temps utile.
– Combien de manuscrits recevez-vous en moyenne chaque année ? Comment choisissez-vous ceux que vous désirez publier ?
À ce niveau, je ne peux parler que de notre premier appel à textes sur le thème Et ça vous fait rire ? un croisement entre le rire et l’Imaginaire. Nous avons reçu 70 textes d’une soixantaine d’auteurs différents. Nous sommes 5 personnes actuellement dans le comité de lecture (c’est un peu pompeux !) et nous avons procédé par éliminations, puis avons fait des sélections croisées avec nos coups de cœur.
Il a fallu évidemment tailler dans le vif et c’est à contre-cœur que nous avons écarté certains bons textes. J’ai hésité à faire un « tome 2 » avec une sélection alternative mais cela revenait à prendre des engagements sur du trop long terme, et je souhaite à tout prix l’éviter.
L’anthologie parait en septembre octobre 2023 et je suis vraiment heureux et impressionné du résultat.
– Quelle place accordez-vous au travail de relecture et d’amélioration des manuscrits publiés ? Comment se passent vos relations avec vos auteurs à ce niveau ?
Pour Et ça vous fait rire ? nous avons travaillé par itérations : d’abord les annotations de 2 relecteurs minimum chez nous, puis le retour de l’auteur sur nos remarques. Rien n’est imposé : nous pointons plutôt du doigt ce qui nous parait bancal mais considérons que c’est à l’auteur de valider un changement. C’est son texte ; le but est de le rendre le meilleur possible.
– Imposez-vous un titre et une couverture à vos auteurs ou êtes-vous de ces éditeurs qui pensent que l’avis de l’auteur compte sur ces sujets ?
Pour l’instant, seul Mort comme au premier jour est paru. En tant qu’auteur-éditeur pour ce texte, les discussions se sont bien passées J’étais seul en cause, et j’ai décidé d’utiliser Dall-E (couverture générée par l’IA). C’était un test, c’était un outil voué à me permettre d’être autonome, pour voir. Et franchement, j’ai été très content de cette couverture et de pouvoir éditer mon livre presque par moi-même. Ensuite sont apparues les discussions sur le plagiat et les droits d’auteur… c’est un domaine qui mérite d’être légiféré, c’est certain. Mais pour moi, générer la couverture par IA, c’est le coup de pouce qui m’a permis de renaitre au niveau littéraire.
Pour l’anthologie Et ça vous fait rire ?, les premiers tests de couverture avec Dall-E n’étaient pas concluants. De plus, je n’étais pas seul : 15 autres auteurs sont au sommaire, et je ne me sentais pas à l’aise avec le fait d’imposer une couverture générée par IA. Je me suis alors tourné vers Ji Pègue qui est un super artiste, et a vraiment réussi à reproduire la coloration loufoque que nous voulions pour l’ouvrage, en mettant en scène notre mascotte.
Mais le talent a un coût, même modique, et les équilibres financiers sont fragiles.
– Si cela n’est pas trop indiscret, quel pourcentage des ventes HT accordez-vous à vos auteurs ?
Pour les anthologies, 2 exemplaires de l’anthologie + des exemplaires supplémentaires à prix coûtant contre les droits de publication papier et numérique sur 2 ans avec exclusivité d’1 an. C’est peu, mais c’est pourtant ce que pratique une structure de 15 ans d’âge comme Malpertuis avec la parution de leur anthologie annuelle.
Pour les novellas, la situation ne s’est pas encore présentée (je ne me rémunère pas pour Mort comme au premier jour).
– Quelle importance accordez-vous à la promotion et quelles sont les grandes lignes de votre stratégie en la matière ? À quel degré impliquez-vous les auteurs dans la promotion de leurs ouvrages ? Ambitionnez-vous de présenter les meilleurs d’entre eux à des prix littéraires, et si oui, lesquels ?
Pour la promotion, nous avons plusieurs sites de référence (ActuSF, SyFantasy, Si-Fi Universe, Elbakin, les Chroniques de l’Imaginaire…) auxquels nous envoyons nos news… avec des fortunes diverses. Certains n’ont pas le temps, ne répondent pas, ou répondent qu’ils vont faire et ne font pas… c’est la vie !
Ensuite, nous référençons nos ouvrages sur Simplement.pro, un site de services presse très pratique. Sur Wonderchro également, lorsque nous le pouvons. Nous proposons majoritairement des versions numériques, pour le coût que représente un SP papier (édition et envoi).
Ensuite, nous avons référencé des bloggeurs intéressés par les littératures de l’Imaginaire. Nous prenons contact avec eux pour proposer des SP.
De manière générale, c’est un travail de fourmi, très chronophage et avec un taux de succès très bas (~5% des contacts finissent par une concrétisation intéressante).
Nous avons également commencé à fédérer quelques bookstagrameuses autour de notre premier ouvrage Mort comme au premier jour.
En tant que petite structure, nous espérons évidemment que les auteurs publiés chez nous auront envie de défendre les ouvrages et la maison d’édition, d’en parler autour d’eux et d’être présents en salons. Certains auteurs sont déjà multi-publiés : c’est le cas de Jess Kaan, Antoine Lencou, Maxime Herbaut, Caza… Les auteurs qui veulent s’investir sont invités et encouragés à le faire !
– Comment espérez-vous l'avenir de Black Rabbit ?
J’espère réussir à mener de front les 2 activités d’édition de livres et de jeux de société. Je connais peu le petit milieu des littératures de l’Imaginaire et encore moins celui des jeux de société mais les deux publics sont en partie communs et j’aimerais pouvoir développer les deux en parallèle.
Ce sera plus difficile car plus engageant financièrement mais je voudrais réussir à faire paraitre 1 à 2 jeux de société dans les années à venir.
Il faut surtout réussir à rester équilibré : la création demande du temps, l’édition aussi.
– Selon vous, comment se porte la littérature de l’imaginaire à l’heure d’aujourd’hui ?
Quelques réflexions personnelles sur le sujet :
L’offre est foisonnante, avec quelques mastodontes qui se taillent la part du lion.
Les autres vivotent, survivent, y compris en autoédition, y compris éditeurs 100% numériques.
La nouvelle est bien représentée, avec de nombreuses anthologies (et ça, c’est bien !) mais elles sont peu lues (et ça, c’est dommage !).
Il y a beaucoup de propositions sur les altérités, sur la différence.
J’aime beaucoup la collection Une-heure-Lumière du Bélial’. C’est exactement ce que je recherche. Dommage que ce ne soit une collection réservée à la SF et aux auteurs très connus.
Les pavés publiés m’affolent : je ne lis plus rien qui dépasse 400 pages. C’est un effort trop important pour moi. Pourtant, j’adore les univers riches, développés. Mais je pense que c’est possible sans en faire des tonnes. Et si les autres ne sont pas du même avis, tant mieux, il en faut pour tous les goûts.
J’ai toujours considéré l’Imaginaire comme une littérature de divertissement. S’il y a du fond, c’est encore mieux. Mais c’est comme créer un jeu de société à visée pédagogique : vous avez toutes les chances que votre jeu soit chiant ! Le fond doit sous-tendre, ça ne doit pas être un but.
– D’après votre expérience, quels sont les aspects de l’édition SFFF française qui pourraient être améliorés ?
C’est un débat sans fin, mais la répartition de la valeur créée par un ouvrage m’a toujours surpris. C’est l’aval de la chaine qui s’en sort toujours le mieux : libraire, éditeur, imprimeur… Même l’illustrateur, au motif qu’il représente l’image de l’ouvrage, est rémunéré à la tâche. L’auteur est le dernier à bénéficier des revenus du livre, alors qu’il en est à l’origine.
Je ne prétends pas avoir de réponse, et il s’agit pas de dire que tel ou tel acteur s’engraisse sur le dos des auteurs, mais je ne crois pas que ce soit juste en l’état.
Comme déjà évoqué, les couvertures générées par IA commencent à poser problème. Et évidemment, si demain on a des textes intégralement rédigés par IA, ce sera un autre énorme problème.
– Auriez-vous un conseil à prodiguer aux auteurs en herbe qui aimeraient être publiés chez Black Rabbit ?
Écrivez pour vous faire plaisir ! Les contraintes stimulent l’imagination, c’est à ça que servent les appels à textes. Amusez-vous lorsque vous écrivez. Ça se ressentira dans votre production. Ce n’est pas pour autant qu’il faut forcément écrire des futilités. Relisez-vous. Laissez reposer vos textes. Faites-les relire à d’autres. Et tentez votre chance ! Quel est le risque ?
- La page d'accueil de votre site indique que : "Les Éditions Black Rabbit visent à créer et donner vie à des univers ludiques autour des littératures de l’Imaginaire et des jeux de société. " Cela laisse-t-il supposer que vous souhaitez développer des univers partagés entre jeux de société et textes publiés ?
Oui, ce serait un accomplissement ! Réussir à fusionner les deux univers. Il y a plein de choses intéressantes déjà existantes, mais également plein d’autres à faire ! C’est juste long et risqué. Y a-t-il un public pour ça ? Pas sûr…
- Sous quelle forme envisageriez-vous un partenariat avec le forum L'Orée des Conteurs ?
Je trouve que L’Orée est une belle initiative de partage d’infos et d’entraide entre auteurs. Ça ne peut qu’améliorer la qualité des textes, leur cohérence. C’est un aussi gage de sérieux.
J’ai cru comprendre que nous avions « pêché » plusieurs de vos pensionnaires à l’occasion de notre appel Et ça vous fait rire ?
Or, avec Black Rabbit, nous serons amenés à réaliser des appels à textes réguliers (1 par an si possible).
Je me disais que ce serait peut-être bien de relayer ces infos sur le forum de façon organisée et aussi, de notre côté, de porter une attention particulière aux textes provenant de vos membres ?
– Un dernier mot pour conclure ?
Simplement merci de me permettre de présenter le Lapin noir et ses activités. Au plaisir de vous retrouver entre nos pages
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Mark Twain