Un grand merci à Barla - Aurélie Genêt sous son nom de plume - d'avoir eu la gentillesse de se prêter au jeu de nos questions au sujet de son expérience dans le monde de l'édition. :applaused:
Avec un joli palmarès de 7 nouvelles et 3 romans édités à compte d'éditeur plus un roman en auto-édition, voici donc le ressenti et les conseils de notre chère Barla :
Fin de l'interview et ouverture du fil de discussion pour nous faire part de vos réactions et éventuellement de vos questions complémentaires.
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Avec un joli palmarès de 7 nouvelles et 3 romans édités à compte d'éditeur plus un roman en auto-édition, voici donc le ressenti et les conseils de notre chère Barla :
- Comment t'es venue l’envie d’écrire ? Pourquoi des récits dans les genres de l’imaginaire ?
L’envie d’écrire, avec l’envie de raconter des histoires, a toujours été là. En maternelle, j’avais un cahier sur lequel je faisais des histoires de schtroumpfs en images. J’ai retrouvé un petit « livre » de quelques pages composé de dessins avec textes réalisés au CP. Mon premier « roman » (si l’on ose dire) entier, date de la classe de 6e.
En fait, mes premiers écrits (non finalisés) n’étaient pas du tout dans l’imaginaire. De fait, je lis de tout (et donc écris de tout), mais paradoxalement, je ne connaissais pas du tout la fantasy (que je déteste ce mot anglophone ! À quand du « merveilleux », ou même de la « fantaisie » à la française, avec des codes correspondant davantage à notre culture ? Assumons notre histoire littéraire, elle en vaut la peine) avant d’aller sur un forum et qu’on me dise que mon roman en était. Pour moi, c’était seulement un roman d’aventure dans un monde que j’avais créé pour plus de commodité, car je ne me sentais pas le niveau de faire de l’historique (je déteste trouver des anachronismes dans les romans historiques, et, n’étant pas historienne, je suis sûre d’en faire).
Par contre, pour l’anticipation, ce que j’apprécie dans ce genre, c’est que, tout en gardant une liberté propre à l’imaginaire, elle permet de réfléchir sur notre société actuelle. J’aime que les livres ne soient pas seulement une « histoire », mais qu’ils permettent de s’interroger et de réfléchir sur des réalités humaines (lien avec la nature, choix éthiques, ...) - Peux-tu nous dire quelle sont tes influences littéraires ? Tes sources d’inspirations ?
Elles sont diverses. Pour l’anticipation, c’est clairement celle du milieu du XXe siècle. Pour la fantasy, comme je le disais au-dessus, j’en lis très peu. Mes écrits sont donc plus inspirés des contes et légendes pour la base de l’intrigue, avec une ambiance de roman historique. Au niveau de la forme, je suppose que, involontairement, je suis marquée par ce que je lis, donc beaucoup de classiques, mais aussi d’écrits plus anciens (pas forcément romanesques d’ailleurs). J’aime bien utiliser des formes littéraires, parfois peu usitées, et des terminologies un peu anciennes, surtout quand le récit s’y prête (donc pas en SF). J’aimerais beaucoup être capable de toucher au roman historique de qualité (où l’Histoire ne sert pas juste de décor, mais où il y a une vraie recherche au niveau réalisme historique). Je suis en admiration béate devant Umberto Eco dont la disparition m’attriste vraiment, mais je me garderais d’avoir la prétention de considérer cet idéal trop éloigné comme influence. - Quelle est ton approche de la SFFF ? Penses-tu tes récits différents de ceux des autres écrivains du genre, et pourquoi ?
Concernant l’anticipation, j’aimerais clairement pouvoir m’inscrire dans la lignée de ce qui se faisait au siècle dernier (même si ça demandera encore bien du travail), je suis également très classique dans mes écrits (nouvelles uniquement) fantastiques. Pour la fantasy, si ça diffère ou qu’au contraire ça ressemble à ce que font les autres écrivains, ce sera pur hasard, ayant très peu d’expérience en tant que lectrice dans ce domaine (à part maintenant quelques années passées sur les forums à lire les textes des autres membres). De toute façon personnellement, j’ai horreur des petites cases, des classifications, alors je ne me soucie pas de respecter les règles d’un genre. J’écris sans me soucier d’autre chose que de me faire plaisir. J’essaie d’écrire ce que j’aimerais lire, c’est tout. - Quel est ton rapport à l’écriture ? As-tu rencontré des difficultés pour atteindre ton niveau technique actuel ?
C’est très difficile d’évaluer son propre niveau. Je suppose que les forums m’ont bien fait progresser. Pas tant au niveau de la forme (cela se fait très naturellement, quand j’ai le temps d’écrire, j’écris très vite, et, même pour mes romans publiés, la plus grande partie du texte est du premier jet sans autre modification qu’une correction syntaxe/orthographe), qu’au niveau du fond. Il m’a fallu apprendre à organiser une intrigue, à la rendre lisible pour d’autres (c’est tellement différent d’écrire pour soi), à équilibrer les différents éléments, à enchaîner les chapitres, à trouver un rythme. Je suis d’ailleurs en train de reprendre un texte datant de plusieurs années, et je me rends compte des manques importants sur ces points.
En fait, j’aime écrire pour écrire, aligner des mots plus encore que raconter une histoire. Écrire est un besoin, ça pourrait être tout autant écrire une biographie ou un essai. Donc cet aspect n’est pas une difficulté. - Combien de temps t'a demandé l’écriture de ton premier roman ? Et aujourd’hui, combien de temps te faut-il en moyenne pour écrire un roman ?
C’est très variable, parce que cela dépend de mon rythme de vie (au niveau professionnel, j’ai des périodes très chargées, d’autres très creuses). Le premier a mis plusieurs années, en un sens, car c’est une histoire que je portais en moi depuis très jeune, et j’ai mis du temps à me décider à l’écrire. Et encore plus de temps, une fois écrite, à la reprendre pour qu’elle puisse être lue par d’autres que moi. Pour le plus rapide à écrire, il a fallu 5 semaines pour 450 000 caractères, relecture comprise. Il n’y a donc aucune règle générale.
Et puis, j’alterne entre des moments ou j’ai un besoin compulsif de lire et d’autres d’écrire (jamais les deux sur un même laps de temps, j’ignore pourquoi). À certains moments encore, je suis dans le dessin/pyrogravure et cela occupe toute ma créativité et m’empêche également d’écrire. - Tu as écrit pas mal de nouvelles, quels enseignements en retires-tu ? Penses-tu que tes nouvelles publiées ont pu influencer les éditeurs qui ont pris en charge tes romans ?
Oui, j’écris des nouvelles. J’envisage même de faire un recueil personnel auto-publié un jour ou l’autre. Elles permettent d’apprendre à aller droit au but, à poser un univers de façon concise mais suffisamment évocatrice à la fois, à travailler les effets de rebondissement et de chute. C’est très très différent d’un roman, mais cela autorise aussi à tenter des genres auxquels on n’est pas habitués, et à faire des exercices de style, ainsi que suivre un thème imposé (pour les appels à textes). Ces AT sont l’occasion soit de tester le « commercial », c'est-à-dire créer quelque chose de plus commun, de consensuel qui, à défaut d’être extraordinaire, rentrera dans les cases et ne suscitera de rejet de personne, ou de se lancer à l’aventure (même si on diminue ses chances d’être choisi, mis à part un coup de cœur) en osant sortir des sentiers battus. Dans les deux cas, l’expérience est toujours enrichissante.
Mes écrits précédents n’ont eu absolument aucune influence pour les autres publications. Je ne crois pas qu’écrire des nouvelles permette de trouver plus facilement un éditeur pour ses romans. À moins d’un heureux hasard, si vous avez le genre de roman dont a besoin l’éditeur qui a publié la nouvelle. - Parviens-tu à vivre de ta plume ? Si ce n’est pas le cas, penses-tu que cela soit envisageable ?
Si seulement. C’est un rêve. À mon niveau, complètement inaccessible. Si je rembourse mes frais (salon, etc.), c’est déjà bien. J’ai rencontré en salon un ou deux (vraiment une ou deux, pas plus) auteurs qui en vivaient presque (je dis presque parce que leurs revenus restaient très faibles et difficilement viables sans aides sociales), mais ils faisaient ça à temps plein, avec un énorme investissement non seulement de temps, mais matériel. - Un petit mot sur les projets sur lesquels tu travailles à l’heure actuelle ?
J’en ai plusieurs. Je termine mes corrections d’un roman qu’on pourra classer en fantasy, qui est très « conte », dans une ambiance peuples précolombiens et jungle amazonienne.
Je retravaille donc aussi un manuscrit plus ancien, que je ne saurais catégoriser, en trois parties, dont la première est complètement roman historique sans SFFF (fin du XIVe s.) et les deux autres mêlant moyen-âge et époque moderne, avec un élément uchronique. Bref, du roman d’aventure.
J’ai aussi un conte jeunesse dont il faut que je retravaille les illustrations ainsi qu’un court roman de littérature blanche pour lequel je n’ai pas trouvé d’éditeur (mais je ne connais guère de petits éditeurs généralistes, il faudrait que je me repenche sur la question. D’autant que c’est un texte un peu spécial, personnel). - Quel sentiment éprouves-tu au regard de tes publications ?
Je ne suis pas sûre du sens de la question.
Je suis contente, bien entendu, d’avoir trouvé des éditeurs. Même petits. C’est une sorte de légitimation. Je me dis que si plusieurs ont cru en moi, ce n’est pas un hasard et que cela veut dire que j’écris à peu près correctement, que ça peut plaire. Donc, je reste pleine d’espoir pour la suite, en rêvant de faire toujours mieux.
Vis-à-vis de mes livres, par contre, une fois publiés, je ne les ouvre plus, car je n’y vois plus que les défauts, et il m’est insupportable de penser que des gens vont les lire. C’est offrir aux regards, aux jugements, une part de soi, une part intime, sans plus avoir de contrôle dessus. Ce qui amène la question suivante. - Quel est ton rapport face aux critiques ?
J’avoue que c’est difficile. Ce n’est pas la question d’avoir une bonne ou une mauvaise critique. On peut déplaire, c’est comme ça, c’est normal, tout le monde n’a pas les mêmes goûts et heureusement. La forme de la critique touche plus que son contenu. Parce que les critiques interprètent, ils se contentent rarement de l’aspect plus objectif (le problème est qu’ils présentent souvent les choses comme telles. Au lieu de dire « je n’ai pas aimé », ça devient « le roman est nul » ; moins excessif que cela, mais ça reste de ce genre, comme si le critique détenait l’apanage du bon goût). Et non seulement certains prétendent vous expliquer ce que vous avez voulu dire, mais si vous avez le malheur de les trouver sympathiques et de répondre, même gentiment parce que vous y étiez autorisé, vous serez soudain le méchant auteur imbu de lui-même qui refuse de se remettre en question. Eh oui, l’auteur a toujours tort, et le critique toujours raison, il faut le savoir (bien sûr, ce n’est pas valable pour tous, fort heureusement, mais c’est hélas assez récurrent).
Un petit truc pour supporter une mauvaise critique ? Aller sur un grand site de critiques, lire celles sur de grands et très bons écrivains, voir les commentaires douteux, et réaliser que, finalement, ça ne signifie pas grand-chose et que vous aurez toujours des détracteurs.
L’idéal, pour être gagnant dans ce jeu, serait d’avoir une horde d’amis dévoués prêts à vous faire des critiques dithyrambiques dès que vous publiez quelque chose. Certains le font, c’est même assez courant. Peut-être est-ce indispensable lorsque l’on n’est pas connu. Mais dans ce cas, quel crédit apporter encore aux critiques ? - Que penses-tu de tes rapports avec tes éditeurs ?
J’ai fait des expériences très différentes. Une très mauvaise qui s’est mal terminée (puisque j’ai racheté – chers – mes droits pour récupérer mon roman qui n’est donc plus publié), une autre plus distante mais cordiale dont je n’ai pas à me plaindre, et la dernière bien sympathique pour l’instant (je ne compte que ces trois-là, car les liens avec les éditeurs de nouvelles sont moins forts et moins longs). Personnellement, je préfère une relation de travail agréable que quelque chose qui deviendrait un peu trop amical et personnel. Ce n’est pas toujours l’idéal de mélanger les deux, surtout quand il est question d’argent. Mais si c’est fait sérieusement, pourquoi pas ? - Aurais-tu un conseil à prodiguer aux auteurs en herbe qui espèrent être publiés ?
De la persévérance, de la persévérance, encore et toujours. Il ne suffit pas d’avoir écrit le bon roman (peut-être cet aspect est-il même inutile quand on voit certains trucs publiés alors que de très bons restent dans les placards), il faut aussi tomber sur la bonne personne au bon moment. Bref, avoir de la chance (et si vous vous dites que vous n’avez jamais de chance, pensez à celle que vous aviez, statistiquement, de naître et de naître ici et maintenant. Vous verrez que finalement, on a tous beaucoup de chance, il faut relativiser). Croyez en vous, ne vous laissez pas décourager par un, deux, vingt, cent refus. Croyez en vous, mais ne croyez pas votre œuvre parfaite pour autant. Si elle est refusée, profitez-en pour l’améliorer. Restez vous-mêmes, la publication à compte d’éditeur ne vaut pas que l’on prostitue son écriture pour elle. - Un dernier mot pour conclure ?
Si j’ai trouvé à être publiée, vous le pouvez aussi, il n’y a pas de raison.
N’oubliez pas de lire beaucoup. Intégrer par soi-même le fonctionnement d’un roman, le ressentir, est plus utile que de décortiquer toutes les méthodes du monde à ce sujet.
Et vive les forums d’écriture qui sont un moyen agréable, sympathique et efficace de progresser en aidant les autres à progresser également ;) !
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Sept fois à terre, huit fois debout !