Gros coup de coeur pour une de mes récentes lectures faites pour des recherches documentaires, pour ma prochaine nouvelle.
Le livre s'intitule "
Mapping the Great Game : explorers, spies and maps in 19th century Asia" de Riyaz Dean. L'auteur y retrace toute l'Histoire de la cartographie par triangulation de l'Inde et des régions voisines par les Anglais au 19è siècle, cela afin de mieux connaître le terrain et aussi, en arrière plan, de se protéger de l'Empire Russe dont ils craignaient l'avancée en Asie Centrale, persuadés que ceux-ci voulaient envahir l'Inde Britannique en venant par l'Afghanistan (ce qui conduira aux deux guerres anglo-afghanes).
Je ne pensais pas être autant intéressée par un livre qui raconte comment on mesurait des triangles à travers un pays haha (surtout en anglais) mais c'est très bien raconté, absolument passionnant. D'autant que cela s'associe à la thématique de l'espionnage.
La partie la plus intéressante est celle qui évoque la cartographie des zones au nord de l'Inde, en dehors de la zone contrôlée par les Anglais. A savoir l'Afghanistan, le Turkestan (occidental qui était un Khanat avant l'invasion Russe; et oriental contrôlé par les Chinois) et bien entendu, le Tibet, qui fut la dernière partie cartographiée, très difficile d'accès, en particulier Lhassa qui était interdite aux occidentaux. (néanmoins les deux premiers à avoir cartographié cette zone en 1844 furent deux missionnaires Français, les Pères Huc et Gabet, dont l'un état du Jura!).
La zone étant trop risquée pour les Anglais ceux ci décidèrent de former des indiens (surtout des
Pathans musulmans pour le Turkestan et des
Bhatias d'ethnie tibétaine pour le Tibet) à la cartographie et les y envoyèrent, généralement sous divers déguisements (marchands, pélerins etc) car s'ils étaient découverts et accusés d'espionnages il risquaient la mort (certains sont morts, un a été vendu en esclavage au Tibet par l'homme qui l'accompagnait, mais heureusement a réussi à regagner sa liberté. Après cela il a poursuivi son travail de cartographie avant de rentrer en Inde et d'apprendre que pendant son absence de 4 ans, sa mère était morte.) Ces hommes ont fait preuve d'énormément d'abnégation pour ce travail et n'ont souvent pas été aussi récompensés et reconnus que les cartographes anglais qui les avaient envoyés là-bas.
Comme ils ne pouvaient pas voyager avec du matériel de triangulation (chaînes pour mesurer la distance parcourue, théodolite etc), ils ont du apprendre à connaître la distance qu'ils faisaient en marchant, et donc cadencer leur pas, et cela aussi en fonction des changements de terrain. Au Tibet, ils avaient un rosaire spécial qui leur permettait, grâce aux grains, de compter leur pas (sur des mois voire des années). Ils cachaient leurs notes dans des rouleaux de prières tibétains, leurs thermomètres dans des cannes creuses (parce qu'ils déterminaient l'altitude grâce au point d’ébullition de l'eau), et le reste dans des compartiments secrets de leurs bagages.
Je suis contente d'avoir lu ce livre avant de lire "Kim" de Kipling car ces mêmes "agents secrets" y sont évoqués et c'est plus clair en connaissant derrière toute cette Histoire.
Il y a plein d'anecdotes intéressantes, dont une en particulier qui m'a fait rire : le premier homme à mener la cartographie de l'Inde par triangulation avait commandé un théodolite géant qui avait été envoyé par bateau d'Angleterre mais un de nos navires (Français) l'a intercepté et ramené à la Réunion si je me souviens bien. Là le gouverneur Français s'est rendu compte que le chargement était du matériel scientifique et l'a renvoyé à Madras avec un mot de félicitations ! L'auteur du livre dit que sans cet acte de chevalerie, en gros le travail n'aurait pas pu se faire!
Un autre passage évoque le moment où un cartographe indien va au Tibet dans une zone où se trouvent de mythiques mines d'or, qui seraient évoquées dans les textes antiques par Hérodote. Ce dernier disait que des fourmis géantes, de la taille d'un renard, sortaient la poussière d'or en creusant. L'homme se rendit compte que sur place, les tibétains ne creusaient pas la terre car c'était considéré comme interdit. Ils n'exploitaient que la surface. Et ils vivaient dans des tentes en poils de yak installées dans des trous pour supporter le froid (ils ne travaillaient que l'été).
Bref c'est passionnant de lire tout ça ^^
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"Certaines personnes sont comme les mots écrits dans le sable, un souffle de vent suffit à les emporter."