J'ai récemment lu des romans de Jean d'Aillon, dans sa série Guilhem d'Ussel. Pour ceux qui ne connaissent pas, c'est un auteur prolifiques en romans historiques policiers (enfin, c'est classé comme tel, mais on est plus dans les codes de l'historique que dans les codes du policier. À moins de considérer comme policier tout ce qui a un mystère et parfois une vague enquête).
Cette série se passe globalement autour de l'an 1200.
J'avais déjà lu de lui certains romans de sa série Louis Fronsac, qui se passent au XVIIe. Bizarrement, alors que le style était plaisant, les romans bien documentés et dans une époque que j'aime beaucoup, j'avais été surprise de ne pas accrocher plus que ça.
Même chose cette fois, avec la série médiévale. Le style est vraiment très bien, un vocabulaire riche adapté au contexte, de la documentation a priori solide... et pourtant, tout en ayant plaisir à lire une telle écriture (ça devient trop rare), je reste un peu en dehors niveau intrigue et je ne m'attache pas aux personnages.
J'ai donc analysé le pourquoi du comment, cette fois, c'est important pour comprendre pourquoi des romans qui devraient être parfaits pour moi et me passionner se contentent de me plaire correctement. Mon analyse:
- le point de vue est quasi externe (je dis quasi, car parfois, on sait très succinctement ce qu'un personnage pense. Mais très peu). Ce qui donne, pour moi, un certain manque d'émotion et donc d'attachement. Le personnage principal pourrait mourir, ça ne me bouleverserait pas.
- le héros est un peu trop bon en tout. On nous le présente comme ayant des failles (et vu son histoire personnelle, ça ne peut qu'être le cas), mais, avec le point de vue assez externe, on ne ressent pas ces failles. Et comme les autres tombent comme des mouches autour de lui, même s'il échoue, même s'il est blessé, il ne paraît pas touché (alors qu'en réalité, si, mais je ne le sens pas) et paraît invulnérable ou presque. Un héros antique en somme, pas forcément moral ni parfait mais au-dessus du commun des mortels.
- l'auteur "triche" avec le lecteur. Il se sert du point de vue pour son mystère et pour nous cacher des choses. Et quand on s'en rend compte, c'est désagréable. Cela dit, il ne cache pas qu'il cache des choses. Donc il triche sans tromper, mais ça m'a gênée quand même. Par exemple, il détaille par le menu des conversations même anodines, et d'une seul coup, on a textuellement: "Ussel lui dit encore quelque chose" et l'autre personnage fait demi-tour, donc on comprend que c'est quelque chose d'important, mais quoi? Quand tout le reste est détaillé, il n'y a pas de raison de cacher ces paroles-là, si ce n'est pour que le lecteur ne connaisse pas un point important pour le dénouement.
Malgré ça, je ne peux que conseiller à ceux qui aiment l'historique bien écrit. Tout le monde ne sera pas dérangé par les mêmes choses que moi (et d'ailleurs, je les ai lus avec plaisir quand même, même si je ne lirai pas toute la série qui est fort longue)
Et sinon, j'ai aussi lu le tour d'écrou, de Henry James. Et bien, chose rare, j'ai préféré la série Netflix adaptée (the haunting of Bly manor). Ce roman très court a eu beaucoup d'adaptations.
Pourtant, normalement, j'aime le fantastique de cette époque, la frontière floue entre surnaturel et folie, l'ambiance plutôt que l'horreur montrée... Mais là, j'ai trouvé que ça avait mal vieilli. Tout repose sur une vision très puritaine (je trouve) de la bienséance et très dramatisée du moindre incident. C'est surjoué, si on peut dire ça pour un roman (mon dieu, quelle horreur, cet enfant de la haute société a osé dire à son institutrice personnelle qu'elle était méchante. C'est tellement indigne de son rang. La pauvre va défaillir, elle ne sait plus comment réagir, il faut que cet enfant soit possédé). Même pour l'époque, ça paraît vieux, quand on compare à d'autres auteurs contemporains de James.
Bien sûr, le thème de base a tout pour être efficace, et je comprends les adaptations (même s'il est surprenant qu'il y en ait autant. Sans doute parce que c'est bien plus simple à adapter que d'autres histoires fantastiques de la même époque?), mais il faut en passer par l'adaptation pour vraiment apprécier. Sinon, le mode de narration est classique de l'époque et du genre (un récit enchâssé dans un autre, tout à la première personne en mode "journal"). Bref, malgré le bon thème, malgré l'époque d'écriture, je me suis plutôt ennuyée et j'ai trouvé des passages excessifs dans le but de faire monter un sentiment d'étrangeté et d'inquiétude qui, pour moi, n'est pas assez porté par l'ambiance, mais quasi uniquement par les surréactions de la narratrice.