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Et les livres!

descriptionEt les livres! - Page 37 EmptyRe: Et les livres! par Smeghead

Un grand merci à vous deux pour ces conseils. Je prends note d'Outlander (que j'ai déjà croisé de multiples fois sur des étals) et Barbara Cartland, en effet, j'aurais dû y penser : la maison de ma grand-mère maternelle en était remplie... Où sont tous ces bouquins maintenant ?

Comme dit Barla, les lecteurs de romance semblent détester qu'on brise les codes. Ils veulent une fin heureuse, des blessures psychologiques, des larmes, un amour impossible, une rupture, un rabibochage épique et de l'amour par-dessus tout. (s'il y a un soupçon de fesses, c'est encore mieux)

Si mon embryon de projet réussit à passer au stade de fœtus, je vous en toucherai un mot, promis ! :)

Astrogolem aime ce message

descriptionEt les livres! - Page 37 EmptyRe: Et les livres! par Anaïs

Barla : chez J'ai lu qui les édite, Le chardon et le tartan est classé en romance fantastique.
https://www.jailu.com/le-chardon-et-le-tartan/9782290065242

Les amatrices de romance en parlent aussi sur les forums de ce genre donc je pense que ça rentre vraiment dans le genre même si apparemment l'autrice ne voudrait pas etre catégorisée ainsi.

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"Certaines personnes sont comme les mots écrits dans le sable, un souffle de vent suffit à les emporter."

descriptionEt les livres! - Page 37 EmptyRe: Et les livres! par Barla

Ah, mais personnellement, je vois ça complètement comme de la romance. Mais ça ne paraît pas complètement dans les codes et ça n'a pas été vendu dans ce sens au départ. J'ai une autre édition, du début, et ce n'était pas présenté comme ça, sinon, je ne l'aurais pas acheté 😅 (d'ailleurs, c'est suivi par des gens qui ne sont pas forcément dans la lecture du genre, mais plus dans du général). C'est peut-être présenté comme ça maintenant car c'est plus vendeur?

Mais c'est aussi pour ça que je faisais la distinction entre une histoire contenant une romance (et là , il y en a beaucoup, et de très bonnes, à commencer par nombre de grands classiques) et le genre romance, des ME spécialisées là dedans.

descriptionEt les livres! - Page 37 EmptyRe: Et les livres! par Isilanka

Barla a écrit:

Je pense que si on n'est pas soi-même adepte du genre, ça ne doit pas être plaisant à écrire. Or, c'est déjà tellement un défi d'écrire, de publier, d'être lu, qu'il vaut mieux y prendre plaisir.

Cela, c'est très vrai, et pourtant c'est une attitude que je vois parfois passer -- "maintenant c'est le YA/la Dark Romance/la climate fiction/[insérer sous-genre en vogue] qui marche, alors je vais faire ça" -- alors que 1) même dans les genres (vus comme) "mineurs", quand un auteur se force, ça se voit, et 2) c'est un peu méprisant pour le genre en question, au fond.

Par rapport à la question du formatage ou de la standardisation de la romance, je pense que la meilleure comparaison concernant le mécanisme interne, c'est avec certains sous-genres du thriller, je pense particulièrement au "nordic noir" (les polars à l'origine scandinaves dans une ambiance un peu glauque) et au technothriller (le thriller d'action high-tech avec des intrigues géopolitiques à la Tom Clancy). Dans ces deux cas, on a affaire à des genres destinés à un public assez spécifique, qui sait exactement ce qu'il attend de l'œuvre, sera très déçu s'il ne le trouve pas, et cherchera des codes qui ne peuvent être compris qu'en lisant le genre en question.

Barla et Sindri aiment ce message

descriptionEt les livres! - Page 37 EmptyRe: Et les livres! par Anaïs

En cherchant parmi les ME qui font dans les romans d'aventure (puisqu'il y a pas mal d'aventure dans ma novella hommage à Conan Doyle qui se passe au Népal, près de la frontière tibétaine), je suis tombée sur une ME que je ne connaissais pas du tout mais qui est un coup de coeur : Les éditions Paulsen, basées à Chamonix.

Ils existent depuis 2005 et ont longtemps publié de la non-fiction autour du voyage et des montagnes, mais ont ouvert l'an dernier une collection de fiction (La grande Ourse) autour de l'aventure. (J'ai aussi vu sur leur facebook qu'ils ouvrent à présent une collection jeunesse pour ceux que ça pourrait intéresser).
Je vous cite la description de leur collection Grande Ourse:  
À travers des romans français ou étrangers, souvent inspirés par des expériences ou des faits réels, la collection « La Grande Ourse » offre aux lecteurs une immersion dans l’ailleurs, vers ces horizons lointains et fascinants, vers les territoires les plus inaccessibles du monde sauvage. Ces grands espaces où l’empreinte humaine se fait rare recèlent d’histoires que nous avons envie de partager avec vous pour vous entraîner là où seule l’imagination peut s’aventurer.

Cela inclut des récits qui se passent aussi bien dans le présent que dans un contexte historique. J'ai passé la moitié de la journée à regarder leur catalogue en détail (romans et autres), et énormément de leurs romans me donnent envie ! Il y a une majorité d'auteurs traduits (avec des parcours tous très originaux, en lien avec le voyage et les étendues dans lesquelles se déroulent leurs romans, comme une qui fut gardienne d'un phare isolé ou une autre qui vécut plusieurs mois chez des nomades de Laponie), mais il y a aussi des auteurs français (dont un qui a fait de nombreuses frégates et a travaillé dans le commerce maritime, et une qui est médecin et soigné en voyageant).

Les résumés de certains romans donnent à penser que des éléments de surnaturels sont acceptés (du moins c'est l'impression que j'ai eue!) tant que ça reste en lien avec la culture et pas trop envahissant (en mode classique avec doute); par conséquent je leur ai écrit pour vérifier si ce n'était pas rédhibitoire car ce serait certainement la ME idéale pour ma novella.

Je leur ai aussi demandé la limité inférieure acceptée en SEC pour les manuscrits. Si c'est plus qu'une novella, je songe à développer ma novella en roman (je dois étoffer le descriptions de toute façon).

De plus j'ai vu que certains de leurs romans incluent des cartes, comme je le souhaiterais, et je me dis que c'est le genre de ME qui serait partante pour avoir des illustrations en mode journal de voyage (ils ont publié des belles versions d'anciens carnets de voyages, y compris de ceux de Conan Doyle quand il voyagea sur un baleinier dans sa jeunesse). Ils ont aussi publié une nouvelle histoire de Rouletabille, ce qui semble aussi indiquer qu'ils sont ouverts au fait de réemployer un personnage d'un auteur classique (ce que je fais avec Roxton, de Conan Doyle).

En plus de tout cela, je trouve leurs couvertures superbes, photo comme dessin !  J'ai craqué sur quelques uns de leurs romans du coup et j'ai hâte de les lire (les critiques sont dans l’ensemble élogieuses!) Parmi les auteurs qu'ils publient, on trouve notamment Ian Manook (Ravage) :
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(Je me demande qui font leurs photos ? Elles sont sublimes)

Mais aussi un auteur Kirghize qui a l'air très intéressant, Tchingiz Aïtmatov (1928-2008), auteur d'un roman (Djamilia) dont Louis Aragon avait dit c'était "la plus belle histoire d'amour du monde". Le roman d'Aïtmatov publié chez Paulsen s'intitule "Quand tombent les montagnes" :
Dans les hautes montagnes du Tian Shan, au Kirghizistan, se croisent deux créatures en souffrance : Jaabars, léopard des neiges rejeté par son clan, et Arsène Samantchine, journaliste écœuré par une société dans laquelle il ne se reconnaît plus. Tous deux sont victimes du temps, des circonstances, et otages de leur propre destin. Après avoir tout perdu, Samantchine retourne dans son village natal pour accompagner à la chasse des princes arabes en quête d’un trophée rare : le léopard des neiges. Alors qu’il arpente les cols enneigés, Samantchine va être confronté à une autre légende de ces sommets, l’Éternelle Fiancée. Mais son dernier amour ne marche-t-il pas main dans la main avec la mort ?
Fable écologique aux accents chamaniques, le dernier roman d’Aïtmatov résonne comme un avertissement : quand la nature est à vendre, les montagnes s’effondrent.



Je suis aussi intéressée par "Mille et une roses sauvages"de la romancière pakistanaise Feryal Ali-Gauhar :
Les habitants de Saudukh Das, hameau isolé dans les montagnes du Karakoram, ne savent pas encore que leur vie ne tient plus qu’à un fil. Personne ne prend au sérieux les prémonitions du simple d’esprit qui annonce une catastrophe imminente. Pourtant, quand le chef du village recueille sous son toit un étranger entre la vie et la mort, une vague de calamités – dont les femmes seront les premières victimes –, s’abat sur la petite communauté.
Quatre jours et trois nuits durant, la vie des villageois sera bouleversée, tout comme celle des soldats emportés par une avalanche sur le Siachen, ce glacier où fleurissent les roses sauvages et où les armées indienne et pakistanaise s’affrontent depuis trente ans. Révoltés par la désolation que les hommes infligent à leur terre, les esprits de la nature commentent le désastre avec indifférence. Dans un style incantatoire, Feryal Ali-Gauhar donne voix aux montagnes et à ceux qui les peuplent…

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Et aussi par "Nevabacka" de Maria Turtschaninoff (une autrice finlandaise connue en fantasy d'après Google!)
Finlande, XVIIe siècle. En récompense de ses bons et loyaux services, un soldat de la Couronne se voit offrir une terre. Il y construit sa ferme à l’orée de la forêt et en prend le nom : Nevabacka. Un héritage que les siens devront faire fructifier malgré les coups du sort, la guerre, la famine, les épidémies. Dans ces contrées sauvages, peuplées de créatures légendaires, la terre transforme ceux qui croient la façonner. Pour le meilleur et pour le pire, quatre siècles durant, les descendants de Matts y puiseront leurs racines.
Dans ce roman choral empreint de réalisme magique, les destinées individuelles se déploient sur une trame qui mêle habilement l’histoire éphémère des hommes à celle, éternelle, de la nature.

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La plupart des fictions semblent inspirés d'explorateurs des temps passés ou d'expériences personnelles des auteurs. Mon texte inclut beaucoup d'éléments historiques, y compris quelques personnages réels  (notamment le premier Japonais à avoir voyagé au Tibet, Ekai Kawaguchi, un moine Bouddhiste qui s'est fait passer pour un Chinois car le royaume était interdit aux étrangers, et qui aurait possiblement servi comme espion des Anglais), ce qui va dans le même sens.

Il y a une saga qui pourrait te plaire Barla  Et les livres! - Page 37 1f609 , c'est une série de romans suivant les aventures d'un capitaine de navire à la fin du XVIIIè siècle : "Les Aventures de Gilles Belmonte" de Fabien Clauw. C'est inspiré des grands classiques des romans d'aventure maritime britanniques.
Voilà le résumé du premier tome :
Mars 1798. La France révolutionnaire est en guerre contre la plupart des monarchies d'Europe. Parmi ses ennemis, l'Angleterre et sa puissante Royal Navy sont le fer de lance de cette lutte sans merci qui s'éternise. Hélas, la jeune Marine républicaine se consume sur les cendres de la défunte Royal. La flotte française, à court de crédits, souffre d’une corruption généralisée.
Engagé à l'âge de treize ans, Gilles Belmonte en a vingt-neuf lorsqu’il accède au grade très convoité de capitaine de frégate. Il se voit confier une mission cruciale pour la survie de la France qui mettra à rude épreuve l'humanité et l'intelligence du jeune capitaine. Entre machinations des services secrets, combats navals et amours naissants, survivra-t-il dans ce monde où l'ennemi n'est pas toujours celui qu'on croit?


Et voilà une couverture d'un autre tome que j'aime bien :
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J'adore aussi cette couverture dessinée d'un autre roman qui se passe en Amazonie, ça me fait penser aux vieux romans d'aventure genre Bob Morane :
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Celle-ci aussi donne envie, avec le récit fictionnel basé sur les voyages d'un astronome français malchanceux, Guillaume Le Gentil (1725-1792) :
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Et ce livre basé sur la vie d'un trappeur, Kit Carson (1809-1868) :
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Dans les beaux livres celui-ci a l'air très intéressant :
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Je trouve tout cela très stimulant et assez loin des genres de romans dont on entend parler tout le temps. Si vous voulez explorer la page c'est ici : https://www.editionspaulsen.com/25-roman?page=1

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Sindri, Smeghead et Isilanka aiment ce message

descriptionEt les livres! - Page 37 EmptyRe: Et les livres! par Isilanka

Cette semaine, une lecture éprouvante et (hélas ! ) pour moi une déception : Vallée du Carnage, de Romain Lucazeau. Un roman à mi-chemin entre la SF militaire et l'uchronie, avec un point de départ qui casse des briques : dans un passé (ou un futur…) indéterminé, l'antiquité n'a jamais pris fin et la superpuissance Perse est en train de conquérir le Moyen-Orient avec ses chars, ses drones et ses armes nucléaires. Seule se dresse en face la république de Carthage, prête à toutes les exactions pour arrêter le roi des rois de Persépolis. Lucazeau propose un récit choral, conté à la deuxième personne du singulier, comme si le narrateur était le chœur d'une tragédie grecque. La proposition est intrigante, l'auteur un poids lourd du space opera/SF militaire française récent, bref, ça semblait bien parti.

Sauf que ça ne marche pas. Trigger warning : absolument tout.

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Le ton est donné dès les premiers chapitres : dans Vallée du Carnage, pas de place pour la contemplation ni pour les élégantes digressions techniques. Ici, ça parle de nourrissons écrasés sous les bombes, de bombardements nucléaires et d'orgies sacrificielles. Le monde imaginé par Lucazeau est incroyablement cruel, son Moyen-Orient sous le joug des Perses est un croisement entre le front de l'Est pendant la Seconde Guerre mondiale, la bande de Gaza et un camp de concentration nazi. Les Carthaginois ? Des idolâtres sadiques qui mutilent des enfants pour en faire des supersoldats. La guerre est moche, ultraviolente et toujours crade, malgré la technologie ultra-avancée, les personnages sont pour la plupart veuls, cruels, tyranniques, névrosés ou les trois à la fois. Les rares à ne pas l'être sont impuissants et condamnés à regarder le désastre. Vallée du Carnage promet un gigantesque et tragique jeu de massacre, dont le propos est finalement assez simple : la guerre est dans l'ADN de l'homme et il n'y aura jamais de paix, quel que soit le contexte historique.

Cela aurait pu marcher, mais la mécanique se grippe imperceptiblement. Là où Lucazeau commet à mon sens une erreur, c'est en restreignant ses personnages à un sérail très limité : à l'exception d'un seul (de loin le plus humain du livre), tous sont des hommes, soit soldats au front, soit en position de commandement. Alors oui, c'est conforme au postulat de départ. Les sociétés perses comme carthaginoises étaient très patriarcales et le contexte militaire -- car Vallée du Carnage est avant tout un récit de guerre -- se prête d'autant plus à cette focalisation, mais le résultat est un monde très désincarné, qu'on nous décrit sans cesse comme horrible, mais cette horreur, la plupart du temps, n'est décrite qu'à travers le regard de ceux qui la perpétuent. C'est particulièrement embêtant avec les agressions sexuelles, extrêmement nombreuses dans le livre. Un peu comme Pierre Bordage dans ses mauvais jours, Lucazeau n'arrive pas à se dépêtrer d'une description de l'agression sexuelle où celle-ci est soit esthétisée par une langue précieuse, soit dépeinte comme l'apanage des mauvais hommes, pas assez virils, moches et décadents. On perçoit même souvent une volonté de choquer assez agaçante, où l'auteur semble nous dire "oh oui regardez comme je décris les horreurs de la guerre."

Alors certes, le narrateur à la seconde personne se moque et condamne sans cesse les personnages -- c'est d'ailleurs ce qui rend Vallée du Carnage un tant soit peu supportable -- mais on retombe dans un vieux problème : si je décris avec moult détails un crime de guerre atroce dans un but ironique ou cynique…je décris toujours un crime de guerre atroce. L'empilement des horreurs dans Vallée du Carnage finit par tomber à plat à cause de son volume même. Cela n'arrête jamais. On ne se défait jamais de cette mélasse de sang, d'os et de sexe, qui finit par en devenir un simple élément de décor. Peut-être que c'est ça la banalité du mal, mais in fine, le lecteur en vient à demander grâce. Sans rien de beau ou d'émouvant auquel se raccrocher, on finit par se demander à quoi bon.

(J'allais parler des personnages non-masculins, mais ça serait court : il n'y en a que deux à être nommés, l'une ne sert qu'à asséner au lecteur un bon coup de shock value avec sa mort ainsi qu'une révélation sur ses activités, tandis que l'autre est l'objet d'une approche très bizarre de la non-binarité, vue comme un genre "inférieur" assigné à une femme ayant perdu sa fertilité. Encore une fois, c'est le narrateur qui pense ça et non l'auteur, mais ça laisse un goût assez amer quand c'est le seul personnage queer de tout le roman.)

Pourtant, Vallée du Carnage est très bien écrit, traversé d'images absolument saisissantes (comme les "monolithes" que les Perses utilisent pour la guerre électronique), et bourré de références à la fois culturelles et historiques qui auraient dû me ravir -- et Lucazeau maîtrise très certainement son sujet, en témoigne sa capacité à correctement identifier le fait que le zoroastrianisme de l'époque est une religion monothéiste et non dualiste comme on le croit souvent à tort. Le jeu des références pourrait être plaisant, et de fait forme la partie la plus intéressante du roman, mais là, l'effet de réel que tente Lucazeau se fait à son désavantage, car les parallèles avec le Moyen-Orient actuel se font trop facilement. Deux superpuissances qui s'affrontent pour une ville en Iraq par avions, frappes chimiques et enfants-soldats interposés, j'ai déjà vu cela : ça s'appelle la guerre Iran-Iraq de 1978-1988, et aucun roman de SF ne réussira à capturer la réalité tragique de ce conflit. C'est peut-être là que se trouve le noeud de mon problème avec le livre. C'est très bien de vouloir écrire une histoire sur les horreurs et la déshumanisation de la guerre, mais le faire exactement à l'endroit où a lieu la plus violente et inhumaine des guerres conventionnelles modernes...je ne sais pas. Peut-être que je suis un bien-pensant, mais ça me laisse une impression très désagréable. On pourra quand même lui accorder un très bon point : à aucun moment Lucazeau ne tombe dans le piège de glorifier la guerre. Cette dernière, y compris dans ses aspects les plus technologiques, reste moche et dégueulasse.

En fait, Lucazeau parle (évidemment) d'abord et avant tout de notre époque : sa Perse est en réalité assez éloignée de la Perse réelle (voir l'empire perse comme une force totalitaire et génocidaire est à mon avis un contresens total, eu égard à leur manière historique de régner). Son roi Perse ressemble à Saddam Hussein, Carthage à l'OTAN, les Arméniens aux combattants kurdes. Certains des motifs techniques qu'il utilise reflètent des obsessions tout à fait modernes et tout à fait françaises : la valorisation de l'audace, de l'allant, du coup d'éclat technologique, des opérations spéciales héroïques au détriment d'un adversaire (perse) vu comme pesant, lourd et facilement démoralisé. C'est là qu'on se rappelle que Romain Lucazeau a fait partie de la Red Team, l'équipe d'auteurs de SF chargée d'élaborer des scénarii pour le ministère de la Défense. Cela se voit. On a parfois (en plus de tout le reste !) l'impression d'assister à une démonstration du Professeur Lucazeau sur la Vérité de la Guerre du Futur.

Malgré tout, je ne peux pas dire que la lecture soit déplaisante. Vallée du Carnage reste un thriller qu'on a du mal à lâcher, tant les péripéties s'accumulent dans une escalade tragique (au sens grec du terme), mais il ne se montre à la hauteur ni de son postulat de départ (c'est une uchronie passable), ni de sa portée métaphorique (la guerre est terrible et consubstantielle à l'humanité est une conclusion un peu légère pour un tel appareillage de références et de décors). Bien que solide littérairement, il se perd dans un travers très ancien de la SF française "à la papa" : une esthétisation de la violence et du sexe non consenti faussement subversive, qui finit par ne plus rien dire à force d'accumulation. Décidément, la SF militaire française a bien du mal à se défaire de ses vieilles lanternes…

Tout ça pour ça.

Marc S., 00rt, Sindri et Smeghead aiment ce message

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Mes dernières lectures en date :

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"Des Anges et des Insectes", d'A. S. Byatt, regroupe deux histoires (format novella) :  
- "Morpho Eugenia", qui raconte le retour en Angleterre, au début du XXè siècle, d'un entomologiste qui a vécu plusieurs années en Amérique du sud. Après avoir tout perdu dans le naufrage du navire qui le ramenait au pays, il va être hébergé dans la famille d'un homme riche avec qui il correspondait sur l'entomologie et tomber amoureux d'Eugenia, la fille de celui-ci. Les années vont passer et son observation du microcosme de cette famille et des serviteurs qui l'entourent vont lui rappeler celui des fourmis qu'il a étudié en Amérique du sud. Cette histoire est très détaillée avec beaucoup d'éléments d'entomologie, et aussi des éléments de réflexion sur la religion (il y a des débats entre le héros, non croyant, et son ami qui l'héberge, croyant mais aussi convaincu par la théorie de l'évolution et qui essaie de montrer que religion et évolution ne s'excluent, du moins selon lui).

- La seconde histoire, "L'ange conjugal", se passe dans le milieu du Spiritisme à la fin du XIXè siècle. On assiste à des séances de Spiritisme d'un groupe composé notamment  d'Emily, la soeur du poète anglais Alfred Tennyson, qui essaie de contacter Arthur Hallam, son fiancé mort à 22 ans alors qu'il voyageait en Europe et qui était un grand ami d'Alfred Tennyson (et dont la mort brutale lui a inspiré ses plus célèbres poèmes dont "In memoriam"). L'histoire se déroule des décennies après cet évènement alors que Emily s'est entretemps mariée à un autre (tous les éléments sont fidèles à la réalité).
On a aussi deux autre femmes qui cherchent à contacter des morts, des personnages fictifs ici : l'une qui veut s'assurer que son mari disparu en mer est mort comme elle le croit, et l'autre qui a perdu 4 petites filles et qui veut leur parler, car elle attend un nouvel enfant. Deux autres femmes sont les "spirits" dont une, Sophy Sheeky, qui a de vrais visions et se retrouve à un moment donné, seule avec le fantôme d'Arthur Hallam (scène assez impressionnante), ce qui conduit ensuite à voir Alfred Tennyson dans son vieil âge et à entendre tous ses regrets. Une histoire singulière!
J'ai beaucoup aimé ces deux récits, par contre, même s'ils sont courts, il faut s'accrocher pour les lire car ils sont plutôt érudits avec des citations longues de poèmes (de Tennyson), de passages de textes religieux de l'époque auxquels font références les personnages, d'éléments sur l'entomologie etc....

Morpho Eugenia a été  adapté en film en 1995 avec un  sacré casting (Mark Rylance, Kristin Scott Thomas)! Je n'ai pas encore vu le film mais je compte le faire.
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Seconde lecture : je me suis mise à lire Alexandra David-Néel avec "Magie d'amour et Magie noire".
Et les livres! - Page 37 97822512
C'est assez court et facile à lire, et plutôt prenant. Ce serait basé sur un récit réel fait à l'autrice, qui décida de l'écrire à la façon d'un court roman pour mieux la partager. On suit Garab, le jeune chef d'une bande de voleurs qui pille une caravane de pèlerins se rendant à Lhassa, et ce faisant, rencontre Détchéma, une mystérieuse jeune femme qui pense avoir vu Garab en rêve, et croit qu'ils sont destinés à être ensembles. Par la suite il leur arrive plusieurs aventures qui vont les séparer pendant des années, chacun croyant l'autre mort noyé dans une rivière, lors d'un terrible orage. Garab a l'histoire la plus intéressante et détaillée. Il se retrouve dans un temple-hopital géré par des religieux Böns (la religion qui précédait le Bouddhisme au Tibet), se liera ensuite d'amitié avec Ram, un hindou venu étudier les secrets de ce lieu, et il découvrira un terrible secret lié à la recherche de l'immortalité (pas mal de passages évoquant la mort m'ont fait penser au thème de notre concours!!).
La fin est assez abrupte et triste.

Ce livre a inspiré un film de Pan Nalin "La vallée des fleurs", que j'aime beaucoup (mais seul le début est similaires, après l'histoire prend beaucoup de libertés et montre le couple en quête de l'immortalité pour ne jamais être séparés, ce qui conduira à leur séparation!).
Et les livres! - Page 37 Valley10

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